Un spectacle atypique et touchant, qui jongle avec les mots, les émotions et les gestes, à aller apprécier au Théâtre de Nesle
Une scène dépouillée, un tabouret rouge, une théière. Akihiro Nishida n’a pas besoin de plus pour nous faire vivre l’arrivée de Kiki en France. Kiki est un japonais, il a la face plate, manque de profondeur pour prononcer nos voyelles, certaines de nos consonnes. Heureusement Kiki a une torche, pour l’aider dans sa découverte. Cette torche, parfois sa bouée, c’est son dictionnaire, un dictionnaire de poche, blanc.
Kiki bute sur ce qui nous parait être de petits riens, qui sont pour lui autant d’obstacles. L’article n’existe pas en japonais, mais face à lui, y a-t-il le public, du public, un public, des publics ? Et ce nom, Duroc, entendu dans le métro, s’agit-il d’un gros caillou, d’un style musical, ou de l’oiseau mythique de Madagascar ? Cet homme, entendu dans un bar affirmer « Mes anges annoncent le printemps » est-il un messager divin ? La torche dictionnaire éclaire les sens.
Kiki adore découvrir les mots, jouer avec. Comment prononcer incongru ? Trois syllabes, deux consonnes qui se suivent, ses cordes vocales ont du mal. Incongru, c’est bien, mais quand il y en a deux ? Avec la prononciation, incongru se transforme en deux kangourous, qui prennent corps sous nos yeux.
Akihiro Nishida jongle avec les mots, il sait aussi leur sonner vie, quelque part entre le mime et le clown. On voit ce kangourou, on voit le second kangourou se dissimuler derrière le premier, on ressent leurs émotions quand ils se rapprochent. Quand Kiki est trop perdu, on est avec lui dans le désert, le vent souffle, il emporte les tumbleweed.
Dans le cœur de Kiki amoureux, il y a le rythme du français, le pays de l’Amour, celui de l’eau qui s’écoule lentement dans les plaines. Et le rythme du japonais, le pays des Samouraï, celui de l’eau qui dévale tac tac tac les montagnes. Les deux rythmes, eux aussi, prendront corps pour nous.
Dans les yeux de Kiki, on lit son étonnement amusé devant la conduite à Paris, les annonces sonores de la RATP, le fonctionnement de la SNCF.
Quand le spectacle a pris fin, il m’a fallu quelques secondes pour redescendre dans la réalité, j’étais encore en voyage au pays des mots, j’en aurais bien visité quelques autres.
Akihiro Nishida présente également Ah le Japon, le spectacle symétrique, l’histoire d’un japonais rentrant dans son pays après avoir passé 25 ans en France. Je le soupçonne tout aussi savoureux.
Baroudeur m’avait accompagné. Ses mots ? « Amusant, sympathique, ça fait bizarre de voir comment le japonais nous voit, de voir que ce qui est vraiment naturel pour nous est dérangeant pour lui, par exemple les articles, la conjugaison des verbes, la conduite à Paris ».
Au Théâtre de Nesle dans le cadre du festival 7.8.9
De : Akihiro Nishida
Avec : Akihiro Nishida
Texte : Akihiro Nishida
Son site : www.akihironishida.com/
3 réflexions sur “Les tribulations linguistiques d’un japonais découvrant la France”