L’âge de détruire : le passé, il faut savoir le jeter aussi. Est-ce possible sans le concentrer en son pire ?

L’âge de détruire au Théâtre Ouvert : un spectacle multiforme, une violence sourde, Pauline Peyrade et Justine Berthillot, les émotions d’Elsa, elle se construit dans l’univers toxique construit par sa mère. Un coup de poing à savoir prendre dans la gueule.

Sur la scène recouverte de ce plastique de protection qu’utilisent les peintres, deux chaises, des cartons, une échelle double. Une cafetière filtre. Une perceuse, une massette. Deux femmes sont assises, l’une lit L’âge de détruire. Age 1. Les mollets sculptés et les pieds douloureux dans ses escarpins…

Justine Berthillot et Pauline Peyrade sont sur scène pour interpréter L’âge de détruire le premier roman de Pauline Peyrade, paru en 2023 et qui a obtenu le Goncourt du premier roman. Sur scène, elles partagent trois moments de la vie d’Elsa et de sa mère. Quand Elsa a sept ans, elles emménagent dans leur appartement. Quand Elsa a vingt et un ans, elle va habiter un studio dans la même ville. Quand Elsa a trente ans, sa mère envisage de vendre l’appartement, elle le vide, et fais le tri dans les affaires qu’Elsa a laissées dans la chambre bleue. Sa chambre. Celle dans laquelle il y avait des lits superposés, au cas où Elsa inviterait une amie. Celle dont la porte, quand on l’entrouvrait, projetait un pinceau de lumière sur les oreillers des lits.

L’histoire d’Elsa, c’est l’histoire d’une jeune femme qui se construit dans un environnement nocif et toxique. Une mère qui la détruit autant qu’elle la construit. Un univers de violence pas si rentrée. Une violence qui se transmettra.

Sur la forme, c’est un spectacle qui mêle la lecture, le jeu, la danse, l’acrobatie. Une sorte de kaléidoscope multiforme pour emporter les émotions du spectateur. Ses émotions tripales, celles qui activent ses réflexes de survie. Sur scène, Pauline Peyrade, l’autrice du texte, et Justine Berthillot, danseuse circassienne, son corps de contorsionniste désarticulé vient rendre ce que ressent Elsa sous l’emprise d’une mère qui la broie, le plaisir qu’elle se donne au son des galipettes de ses voisins.

Je suis sorti les poings serrés et la tête enserrée. L’âge de détruire est un spectacle qui vous prend dans une nasse d’émotions, celles que transmettent Pauline Peyrade et Justine Berthillot. Les vôtres. C’est un spectacle d’une violence sourde.

Dans la vie, il vient toujours un moment où on va ressortir les traces du passé. Comme des souvenirs dans des vitrines, comme des décombres dans des sacs. Comment faire le tri, faut-il essayer d’en retenir certains, comment effacer les autres ? Pauline Peyrade et Justine Berthillot viennent rappeler que quand on pense les avoir tous jetés, ils se concentrent et ressurgissent, pour le pire.

L’âge de détruire est un coup de poing, un spectacle émotionnel qu’il faut savoir voir des premiers rangs de face, pour être dans le bain, pour bien le prendre dans la gueule. Un spectacle dont on sort marqué.

Au Théâtre Ouvert jusqu’au 23/03/24
Lundi, mardi, mercredi : 19h30; jeudi, vendredi : 20h30; 16/03 : 20h30; 23/03 : 18h00
Durée : 1h00

D’après le roman L’Âge de détruire de Pauline Peyrade (ed. de Minuit 2023, Prix Goncourt du premier roman 2023)
Mise en scène et adaptation : Justine Berthillot, Pauline Peyrade
Avec : Justine Berthillot, Pauline Peyrade
Compagnie : Morgane

Visuel : Catherine Mary-Houdin

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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