37 Heures d’Elsa Adroguer : le comment de l’emprise, de l’abus sexuel, de la reconstruction. Glaçant et nécessaire.

37 Heures à La Flèche : Elsa Adroguer dit comment l’emprise s’installe, comment Camille a été abusée sexuellement, comment elle remonté le fil de sa mémoire. Un spectacle noir, glaçant, bouleversant. Un spectacle dur, fort, nécessaire. Du grand art.

Sur la scène, des lignes blanches délimitent un grand carré. Au centre, un petit bureau noir. Camille, seize ans. Assise en tailleur sur le bureau. Elle écrit dans un carnet. 2001. J’ai seize ans. Je m’aime pas beaucoup. J’ai jamais embrassé un garçon.

Camille a seize ans, l’âge des premières fois, l’alcool, les cigarettes. L’âge du regard des autres. Elle est roumaine, elle aime le théâtre, ce n’est pas le cas de ses parents adoptifs. Elle adore les pâtes et les cordons bleus, sur la couverture de son journal, elle a écrit États d’Âme. Pour ses seize ans, ses parents l’ont inscrite pour la conduite accompagnée. Pendant cinq ans, le moniteur va abuser d’elle.

37 Heures est un bijou bouleversant. Au delà du quoi, le texte d’Elsa Adroguer dit le comment. Comment l’emprise s’installe, à coups de dénigrement et de faux compliments. Comment la mémoire masque le traumatisme. Comment Camille aura eu besoin de seize ans pour reconstituer les fragments de sa mémoire, pour pouvoir parler. Comment on ne l’écoute pas vraiment. Comment elle a remonté la piste. Elle dit l’horreur d’entendre Catherine Millet. Elle dit le viol récurrent commis par ce membre si gentil de l’entourage proche, dans 90 % des cas, et dans 98 % des cas, sans conséquences pour son auteur. Elle dit la blessure dont on ne guérit pas.

Au delà du texte d’Elsa Adroguer, il y a son interprétation. Du grand art. Elle réussit à porter cette description chirurgicale à la fois en restant extérieure et en transmettant un torrent d’émotions, parfois ponctuées de sourires. Elle sait dire le sordide sans tomber dans la lourdeur. Une interprétation rythmée par les allers-retours dans le temps, par une tension qui monte, qui redescend sans jamais retomber.

37 Heures est un spectacle dur et nécessaire. Noir, glaçant, bouleversant. La séquence finale coupe le souffle des spectateurs, leurs applaudissements nourris fusent immédiatement. Pour saluer la performance. Pour dire leur soutien.

Au théâtre La Flèche jusqu’au 05/06/24
Mercredi : 19h00
Durée : 1h15

De et avec : Elsa Adroguer
Compagnie : In Lumea

Visuel : Marie Pétry

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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