La Forme des Choses à La Flèche : superbe histoire noire de Neil Labute, une artiste border line rencontre un homme insignifiant, le transforme en un séducteur sûr de lui, au prix de ses amitiés passées. Mila Michael et Eliot Vincent sont excellents dans cette pièce à découvrir d’urgence.
Au fond de la scène, un homme assis sur un canapé regarde les premières images de Spiderman. Vers le milieu, une danseuse répète. Sur le côté, un homme lit. A l’avant, un cordon rouge, de ceux dont on sait qu’on ne doit pas les dépasser. Une jeune femme arrive, fourrure et écouteurs. Elle observe, franchit le cordon. Mademoiselle ? Vous avez dépassé la ligne… Je sais.
Le sexe de la statue d’un dieu a été couvert d’une grappe en plâtre sur laquelle Evelyn, doctorante en Arts, va peindre un pénis, sous les yeux d’Adam, le gardien. Elle lui laisse son numéro, ils se revoient, elle le séduit. Evelyn s’installe dans la vie d’Adam, le transforme, physiquement, psychologiquement. Le voilà sportif, séduisant. Jeanne et Philippe, couple de ses amis, s’étonne. Quand les vieux désirs refoulés font surface, Jeanne et Philippe se séparent, Evelyn force Adam à ne plus les voir. Plus tard, Evelyn soutiendra sa thèse. Qu’est-ce que l’Art ?
Le talent de Neil Labute, c’est d’emmener le spectateur dans les méandres d’une histoire de plus en plus noire voire nauséabonde, de laisser face à une question éternelle, et surtout de ne pas lui imposer sa conclusion. A ce moment, le spectateur sera face à lui même autant qu’il sera face aux personnages. Dans La Forme des Choses, il y a Adam, qui se laisse transformer pour l’amour d’Evelyn, elle fait du vieux garçon un séducteur pas si sûr de lui. Il y a Evelyn, mélange de provocation et de séduction, elle n’a pas de barrières, pas de limites, ses sincérités sont multiples et évolutives. Il y a Philippe et Jeanne, manipulés autant que le spectateur. La question de ce que devient l’Art dans ce monde ambigu où l’apparence règne en maitresse finement calibrée pour ne pas choquer les âmes trop sensibles.
Il faut un solide talent d’acteur pour affronter Neil Labute, et une énergie monstrueuse. Mila Michael et Eliot Vincent, qui ont également assuré la traduction du texte, ont cette force. Ils sont excellents, ils incarnent Evelyn et Adam sans jamais se laisser dépasser. Ils sont soutenus par Marie-Mathis Aubert et Louis Haffreingue qui donnent corps à Jeanne et Philippe, dans une mise en scène au cordeau de Lucas Olmedo. Pendant les changements à vue, Spiderman continue à se dérouler. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ? Une vraie question quand l’Art surfe sur ce que certains qualifieront de limites ?
C’est vrai, Neil Labute provoque, dérange. Il faut aussi savoir se laisser bousculer, se retrouver face à ses limites. Porté par l’énergie de Mila Michael, La Forme des Choses est calibré pour poursuivre son exploitation dans de plus grandes salles. Ne ratez pas l’occasion qui vous est offerte d’aller le voir à La Flèche. Vous pourrez plus tard dire que vous l’avez vu à la création. Vous aurez surtout eu la chance d’être à trois mètres des comédiens, de recevoir en pleine figure leurs talents et leurs émotions. C’est une sensation unique, rare, qui n’a pas de prix.
Au théâtre La Flèche jusqu’au 08/06/24
Samedi : 21h00
Durée : 1h25
Texte : Neil Labute – traduction : Mila Michael, Eliot Vincent
Avec : Marie-Mathis Aubert, Louis Haffreingue, Mila Michael, Eliot Vincent
Mise en scène : Lucas Olmedo
Compagnie : Petiramisu
Visuel : DR
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
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Je n'ai qu'une vie - Des émotions à partager 
2 réflexions sur “La Forme des Choses de Neil Labute : quand on se transforme par amour, est-on encore soi même ou est-on le fruit de la manipulation de l’autre ?”