
Britannicus – Les Tréteaux de France : action intemporelle vêtue aux codes de notre époque, jeu naturel des acteurs, personnalité revisitée des personnages, le parti pris de Robin Renucci fonctionne à merveille, qui sort Racine du rayon classique et laisse savourer par tous
Le dispositif est quadrifrontal, les spectateurs entourent un tapis rectangulaire, aux angles coupés, qui représente une mosaïque. La troupe arrive, masquée, pose le contexte, on est à Rome, Claude est mort, Britannicus est son fils, il s’est remarié avec Agrippine, a adopté Néron, de son premier mariage. Néron est marié à Octavie, la soeur de Britannicus, et c’est Néron qui a succédé à Claude. La nuit dernière, Néron a fait prisonnière Junie, qui est amoureuse de Britannicus…. La troupe sort, voilà Agripine, et Albine sa servante… Quoi tandis que Néron s’abandonne au sommeil, Faut-il que vous veniez attendre son réveil
Voilà les vers de Racine, voilà son univers où s’entremêlent les passions, les complots, les trahisons. Néron prend le contrôle de sa vie Agrippine perd celui de son fils et de Rome. Néron est jaloux du bonheur libre de son frère, il veut avoir son amante comme il a eu le trône. Narcisse, gouverneur de Britannicus, sert ses intérêts particuliers quand Burrhus, celui de Néron a le sens de la vertu et de l’histoire.
L’action se déroule à Rome, ses ressorts sont intemporels elle pourrait se dérouler dans une galaxie très très lointaine, au milieu des champs de pétrole texans ou chez un notaire de province. Par ses costumes, Robin Renucci l’emmène à l’époque actuelle, habille Néron d’imprimés dorés, le dote d’une casquette clinquante et de longues chaînes d’or, on l’imagine descendre de son Hummer noir à chaque entrée en scène.
J’ai apprécié le parti pris du jeu naturel et énergique des acteurs. Tariq Bettahar est Néron, il pousse le curseur sans tomber dans la caricature, admirable. Face à lui, Julien Tiphaine donne un grand Burrhus à la présence vertueuse qui n’arrivera pas à convaincre une dernière fois son élève. Christopher Luiz est un Britannicus désarmant de naïveté, c’est lui qui est candide et ingénu quand Stéphanie Ruaux offre une Junie menue et décidée. Et Narcisse ? Thomas Fitterer, visqueux et manipulateur à souhait.
Et le dispositif quadri-frontal ? Immense avantage, le spectateur n’est jamais loin des acteurs ni de l’action, il baigne dedans, retrouve la magie des petites salles, des cirques de village. Petit inconvénient, quand l’acteur est dos à lui, le spectateur tend le cou, peine parfois à entendre certaines scènes.
Je suis sorti à nouveau convaincu par l’approche de Robin Renucci et des Tréteaux de France, ce parti pris, l’organisation de la salle, ça fonctionne, on revient à l’essentiel, la langue de Racine, comme les leviers de ses personnages, sont intemporels, il n’y pas besoin de pompe pour les apprécier, au contraire, Racine sort du rayon Classique et se laisse découvrir par tous.
Au Pavillon Villette jusqu’au 30/01/22
Mardi, mercredi, vendredi : 20h00 – samedi : 19h00 – dimanche : 16h00
Texte : Jean Racine
Avec : Tariq Bettahar, Nadine Darmon, Thomas Fitterer, Eugénie Pouillot, Christophe Luiz, Stéphanie Ruaux, Julien Tiphaine
Mise en scène : Robin Renucci
Visuel : Sigrid Colomyès