Un grand coup de chapeau à Marien Tillet et au Cri de l’Armoire pour 2 Soeurs, où Marc, jeune ethnologue, remonte les traces d’un carnet gris trouvé par hasard, explore ce qui a bien pu se passer en 1953, quand une mine irlandaise a été envahie par les eaux.

La scène est noire, un seul point lumineux, un morceau de tronc, vertical, un violon. Marien Tillet entre en scène, et commence à raconter l’histoire de Marc. Marc est un jeune ethnologue qui s’installe. Il trouve une armoire dans une brocante, rencontre une jeune femme, Lisa, dans un café. Il va trouver un carnet gris au fond de l’armoire, partir sur les traces de celle qui l’a écrit, Aïleen O’Leary, une jeune irlandaise, à l’automne 1953. Trace après trace, Marc va comprendre ce qui s’est passé quand la mine auprès de laquelle elle habitait a été envahie par les eaux.
Marien Tillet est un conteur, c’est son immense talent. Ses textes rejoignent les légendes ancestrales qu’ont recueillies les frères Grimm, celles qu’on raconte aux enfants pour affûter leur doute, pour dompter leurs terreurs. Avec 2 Soeurs, il explore les peurs primales, primitives, individuelles et collectives. Celle du mouvement d’air venu de nulle part, du craquement dans une pièce vide. Celle qui, face à l’inacceptable, conduit à prendre pour victime expiatoire celui est différent.
Il a attrapé mon attention dès son entrée sur la scène, et ne l’a pas relâchée un seul instant. Avec lui, je suis parti sur les traces du croque-mitaines, j’ai croisé les sorcières de Salem, j’ai exploré les détails de l’arachnophobie. Il a by-passé tout raisonnement pour saisir à pleines mains mon cerveau tripal , ou primal, ou reptilien, je ne sais pas lequel, en tout cas celui qui fait que l’animal endormi dans sa caverne se réveille au moindre bruit suspect, celui qui fait qu’en cas de problème, on va chercher la faute, et si on ne la trouve pas, un responsable à sacrifier. Ben oui, si « c’est pas ma faute », c’est celle de qui ?
J’ai été hypnotisé, sous contrôle, du début à la fin. Et j’ai adoré ça. Le tout en suivant un chemin qu’il avait balisé dès le départ en nous expliquant ce qu’est un raccourci sensoriel. C’est le principe du sparadrap qu’on enlève, si on le fait lentement et après avoir prévenu, on sent mieux les poils qui s’arrachent.
L’horreur, au théâtre, c’est difficile. Ca peut ne pas marcher, ou tomber dans le grand guignol. Marien Tillet m’avait séduit avec Paradoxal, fasciné avec Le Dernier Ogre. Avec 2 Soeurs, il démontre une fois encore que le conte est un excellent moyen pour accéder au monde de l’étrange, il accède au pinacle des maîtres de l’horreur.
Derrière 2 Soeurs, il y a le travail de toute l’équipe du Cri de l’Armoire. Marien Tillet qui écrit, interprète, joue du violon. Samuel Poncet, qui a conçu la scénographie, minimale et diaboliquement efficace. Pierre-Alain Vernette, et son looper à distance.
Un regret ? Fléchette n’était pas là, qui hurle à la simple évocation du mot araignée, qui avait longuement analysé Le Dernier Ogre. Je me suis demandé comment elle aurait reçu le spectacle, si je l’aurais retrouvée au milieu de la nuit, assise au dessus de son armoire, les yeux exorbités. Je crois qu’elle aurait intégré, analysé. Et parfaitement dormi.
Alors n’hésitez pas, quand 2 Soeurs passera près de chez vous, allez voir le spectacle, avec vos ados, entre copines, avec qui vous voulez. Allez voir le spectacle, et, comme 85 % des spectateurs, laissez-vous embarquer dans l’univers de Marien Tillet. Vous ne le regretterez pas.
En tournée :
10/06/21 : Saint Maixent l’Ecole dans le cadre de la journée professionnelle du Festival Traverse!
28/10/21 : Théâtre de Cluny dans le cadre du Festival Contes Givrés
20/01/22 : La Rampe/La Ponatière, Scène conventionnée d’Echirolles
09-20/05/22 : Théâtre Dunois – Paris
Ecriture, jeu, violon : Marien Tillet
Scénographie, lumières : Samuel Poncet
Dispositif sonore : Pierre-Alain Vernette
Régie : Simon Denis
Production : Le Cri de l’Armoire
Une réflexion sur “2 Soeurs”