Le Cours Classique

Une chronique caustique de la vie d’un collège, ou comment un non événement devient un rouleau compresseur qui écrase tout le monde.

Un bureau d’enseignant, la porte de la classe, le couloir qui la dessert. Ou le bassin d’une piscine et son bord carrelé. Belle scénographie, qui contribue à rendre obsédante la présence de cette piscine dans laquelle tout (ou rien) est arrivé, et dans laquelle on ne sera jamais.

Monsieur Bligh, professeur principal, entre dans la salle, laisse le silence s’installer, il prend la parole. La classe avait pour sujet de devoirs monsieur Pipota, un enseignant effacé. Ce dernier a accompagné la classe à la piscine, il a mis maillot et bonnet pour nager, la classe s’est moquée de lui, deux élèves l’ont fait couler. Monsieur Pipota ne considère pas que la chose est si grave, il convient de s’excuser. Entre alors le censeur, monsieur Saint Exupéry, les faits deviennent grave, il va y avoir une enquête, des sanctions.

La machine démarre. Comment qualifier les faits ? chahut, ou tentative d’assassinat ? qui est coupable ? qui est responsable ? qui doit être sanctionné ? le comportement de monsieur Pipota est-il irréprochable ? La machine de la bonne conscience et du bon droit s’emballe, elle écrase large, personne n’en sort indemne.

Dès l’entrée sur scène de Grégoire Oestermann, je me suis laissé attraper par la pièce, il m’a embarqué avec son air de ne pas y toucher. Quand Philippe Duclos est arrivé, j’étais dans la Twilight Zone.

Si la scénographie est colorée, la mise en scène de Sandrine Lanno est épurée, chaque déplacement est justifié. Les personnages dialoguent peu, ils s’adressent, par de longs monologues, à la classe, à la principale, à une commission. Ces monologues laissent à l’argument le temps de s’installer, de se ciseler, de s’affuter, de trancher. L’un parle ? l’autre écoute, s’il ne répond pas, il réagit d’un geste discret, du mouvement d’un sourcil, d’un regard qui tourne. Certains monologues sont bien longs, ils laissent au spectateur le temps d’analyser, au premier degré il rit franchement du personnage un peu ridicule, au deuxième degré il rit jaune du personnage qui suit la procédure, au troisième degré il voit la mécanique glaçante d’une expérience de Milgram.

Le Cours Classique est une chronique caustique du fonctionnement du collège qui m’a renvoyé à l’époque où je faisais mes humanités, je me souviens de deux professeurs mythiques, monsieur Pipota avait des pantalons trop courts, monsieur (madame en fait) Bligh nous apprenait à réfléchir, à prendre du recul.

Une bonne chronique caustique, qui mérite votre attention.

Au théâtre du Rond Point jusqu’au 29 septembre 2019
Du mardi au samedi : 21h00 / dimanche : 15h30
En tournée :
– 4-6/12/19 : Comédie de Picardie / Amiens
– 25/01/20 : Ferme du Buisson / Marne la Vallée
– 28/01/20 : Théâtre de Chelles
– 31/01/20 : La Passerelle / Pontault Combault

Texte Yves Ravey adapté par Joël Jouanneau et Sandrine Lanno
Avec : Philippe Duclos, Grégoire Oestermann
Mise en scène : Sandrine Lanno

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.