Il y a de la beauté, de la pureté, dans ce Cyrano, servi par trois comédiennes, sans tournoiement d’épée ni de chapeau.
Une scène nue, une annonce « éteignez vos portables » qui parodie la tirade des nez, et voilà la scène de l’hotel de Bourgogne, trois actrices, de multiples voix. A trois, elles raconte Cyrano, sur une scène éclairée à la bougie. Trois actrices, trois voix différentes, trois corps qui bougent différemment. Les personnages passent d’une actrice à l’autre, elles se rejoignent pour déclamer en chœur les monuments du texte. Elles jouent de la voix, du visage, du corps, du masque, de la posture. Elles jouent essentiellement comme on jouait à l’époque où se déroule la pièce, éclairées à la bougie (pas seulement), face au public. Les costumes varient, certaines robes aux étoffes japonaises emmènent leur personnage vers le théâtre de geste.
Prendre Cyrano de la sorte, c’est casse gueule, elles y arrivent, bravo. Elles envoient, leur énergie tient jusqu’à la fin, bravo. Il y a un boulot énorme, un travail fantastique, c’est rythmé, réglé au millimètre. La tâche est lourde, très lourde sur leurs épaules, j’ai parfois ressenti une attention au prochain changement qui ne laissait pas à l’humeur du personnage le temps de s’installer. C’est dommage, quand elles prennent le quart de milliseconde nécessaire, quand elles soufflent à trois sur scène, c’est juste beau, ça marche. Mon côté ronchon va trouver que la voix off qui introduit la pièce, certaines gesticulations de la duègne l’emmènent inutilement vers la parodie.
Le résultat est là, il n’y a plus d’épées, plus de grands mouvement de chapeau, plus d’accent gascon forcé. Il reste le texte, des moments épurés qui le soutiennent et soulignent la beauté.
Si vous aimez Cyrano, attendez encore une semaine, que les automatismes soient complètement installés, que l’application se soit effacée au profit de l’humeur des personnages, et vous redécouvrirez le texte avec plaisir.
Au Théâtre Le Funambule – Montmartre
Du mardi au samedi – 19h00 ou 21h00 / dimanche 18h00
Texte : Edmond Rostand
Avec : Iana Serena de Freitas, Lucie Delpierre, Nataly Flores (en alternance avec Marjorie de Larquier)
Mise en scène : Bastien Ossart
Une réflexion sur “Cyrano – Le Funambule”