
Ceux qui restent : à voir au Théâtre Clavel. Un spectacle bienveillant, d’une grande douceur. Sur le sujet fort de la mort choisie, Camille Prioul nous offre une belle histoire d’amours, de transmission et de choix, appuyée sur une belle et juste distribution.
Sur la scène, un parallélépipède noir. Une valise à roulettes, un sac à dos en cuir, un sac en papier. On entend le son d’un train. Annie est assise, regard vif qui explore. Étienne s’approche… Qu’est-ce que tu fais ? Je regarde, la gare, les gens.
Il y a Annie, la mère. Gravement malade, elle a décidé d’aller en Suisse, le suicide assisté y est légal, pour ne pas finir dans une souffrance inutile. Il y a Étienne, son troisième enfant, le seul qui va l’accompagner. Et puis il y a Juliette, l’amoureuse d’Étienne, une situation compliquée, elle habite Nouméa, elle est revenue en France pour un an, régler les affaires de son père, elle doit repartir. Ceux qui restent raconte leur histoire.
Je l’avoue, j’avais un peu peur du sujet. Il est régulièrement abordé, peut sombrer dans le pathos ou la revendication. Rien de tout cela ici, au contraire. Dès les premières secondes, le regard d’Anne de Peufeilhoux a donné le ton, il m’a embarqué dans l’émotion, une émotion énergique, positive. Loin d’être une histoire de mort, c’est une histoire d’amours. Une double histoire d’amour et de transmission. La transmission des souvenirs d’Annie, elle les donne à Étienne comme on choisit avec attention une carte postale pour ceux qu’on a dans le cœur. La transmission d’Étienne, passant des bras d’une maîtresse femme à ceux d’une autre maîtresse femme.
Le texte de Camille Prioul est très imaginatif, il se concentre sur l’essentiel en y ajoutant les détails qui permettront à l’imagination du spectateur de s’envoler, d’une façon très efficace, sans longueurs inutiles. Efficace aussi l’évocation de la fracture qui sépare les enfants d’Annie, les modalités pratiques, on n’évite pas ces sujets. Ni les blessures de Juliette. Camille Prioul pose les choses, sans traîner, sans larmoyer, l’esprit du spectateur fera le reste, il ajoutera les détails nécessaires, venus de sa propre expérience, s’emmenant lui même dans la pièce. Parfois il faut savoir enfoncer les portes ouvertes pour ceux qu’on aime. Il signe également la mise en scène, nette, efficace, à l’image du texte. Avec une mention pour la scénographie imaginative, appuyée sur un parallélépipède protéiforme.
Bien dirigée, la distribution est aussi juste qu’équilibrée. Tatiana Djordjevic, Pablo Gallego, Anne de Peufeilhoux, Camille Prioul, Karine Ventalon, ils sont tous bons, tous dans le ton, c’est un beau travail de troupe. J’ai eu plaisir à retrouver Anne de Peufeilhoux et Karine Ventalon, j’aurai plaisir à suivre le travail de Camille Prioul.
Vous avez compris, j’ai savouré Ceux qui restent. Sur fond d’un sujet difficile, la mort choisie, c’est une histoire d’amours, entre une mère et son fils, entre un homme et une femme. Une histoire de transmission, aussi, les souvenirs qu’Annie transmet à Étienne, le relais qu’elle passe à Juliette. Une histoire de choix, surtout. Ces choix qu’on fait, à chaque instant de notre vie. Annie, Étienne, Juliette, ils font des choix, et ces choix font leur vie, ces choix les font avancer quand ceux qui les entourent restent bloqués dans l’attente ou les (in)certitudes.
Ceux qui restent est un spectacle d’une grande douceur, d’une profonde bienveillance. Et c’est un beau moment de théâtre, un bon texte, bien servi, qui laisse son spectateur poursuivre la réflexion.
Ceux qui restent est un spectacle sur la vie, un spectacle vivant, un spectacle à voir.
Au Théâtre Clavel jusqu’au 23 février 2023 – pour réserver
19-20-21-22 janvier; 2-9-16-23 février : 19h00
Texte et mise en scène : Camille Prioul assisté de Cécile Ghrenassia
Avec : Tatiana Djordjevic, Pablo Gallego, Anne de Peufeilhoux, Camille Prioul, Karine Ventalon
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