
Pinard contre Baudelaire au Théâtre de Nesle : avec talent et passion, Eric Auvray reprend les mots de Baudelaire, à charge, en défense, en réaction, pour illustrer le procès qui l’a vu condamné à une amende pour outrage à la morale publique. Baudelaire, au programme du bac cette année.
Sur la scène, on ne voit que deux chaises, sur l’une d’elles, un manteau, un recueil des Fleurs du Mal. La parole est à la défense ? L’auteur des Fleurs du Mal… Baudelaire veut châtier les bassesses de l’humanité. Plus tard viendra le tour de l’accusation. Poursuivre un livre pour offense à la morale publique est chose délicate… Puis Baudelaire lui même.
Les textes de Baudelaire sont courts, chacun est un tableau qui porte une image, un tableau que ses mots animent, à qui ils donnent vie, sans pour autant raconter une longue histoire. La photo de La Gare, l‘Arrivée d’un Train en Gare de La Ciotat. Pas Bullet Train. Pas Le Transsibérien. Si chacun est intéressant, les enchaîner pourrait devenir lassant.
Comment les dire, donc, comment dire tout ces poèmes sur scène, devant une salle comble ? Eric Auvray a trouvé un axe intéressant, il les met en perspective, raconte une histoire, l’histoire vraie du procès qui a vu Baudelaire condamné à 300 francs d’amende, à enlever huit de ses poèmes du recueil déjà imprimé.
D’un côté, le réquisitoire du procureur Ernest Pinard le 20 août 1857, Baudelaire est poursuivi pour outrage à la morale publique, Les Fleurs du Mal seraient un défi jeté aux lois qui protègent la religion et la morale. Un spécialiste des procès littéraires, Ernest Pinard, qui vient de perdre contre Gustave Flaubert pour les pensées licencieuses de Madame Bovary, qui plus tard obtiendra la condamnation posthume d’Eugène Sue.
De l’autre, Les Fleurs du Mal. On entend Baudelaire. On voit les images se former.
A sa manière, Eric Auvray, avec son talent, sa passion, nous rappelle que la morale est en perpétuelle évolution, sujette aux effets de mode comme aux effets de manches, que ce qui hier choquait aujourd’hui est enseigné dans les écoles, mis au programme du Bac.
Il emmène le spectateur vers des vers peu connus, finira par les pièces que tout le monde connaît, que chacun apprend ou a appris, les lèvres de la salle reprennent en silence l’Albatros, l’Invitation au Voyage.
Un spectacle de qualité, à destination des amateurs de beaux textes, un outil pédagogique, aussi.
Et une invitation, au moment où le mot respect emplit les bouches, à se demander où va la politesse. Ceux qui ont assisté à la même représentation que moi comprendront, et salueront Eric Auvray.
Au Théâtre de Nesle le jeudi 29/09/22 – 19h00
Texte : Eric Auvray, Charles Baudelaire
Par : Eric Auvray