
Pourquoi les lions sont-ils si tristes au Théâtre de Belleville : un spectacle bancal mais attachant, qui annonce une critique de la société, qui raconte l’histoire d’un homme venu accompagner les dernières heures d’un père qui ne l’aimait pas.
Sur la scène, une grande table en bois, quelques chaises. Un fauteuil, une desserte… Les acteurs attendaient dans la salle, ils viennent sur scène. Bonsoir, l’histoire de ce spectacle a débuté en 2018. Partis sur 3 territoires, ils ont filmé des gens, de différentes catégories socio-professionnelles, leur demandant si pour eux le travail avait encore un sens. On est avant le Covid, ils entendent beaucoup parler de l’hôpital, de la pression sur les soignants. De la Gestion Administrative de l’Hôpital, de la Tarification à l’Acte, deux réformes poussées par un haut fonctionnaire dont on entendra plus tard souvent le nom, Jean Castex. Ils présentent les personnages, la pièce peut commencer. La pièce commence.
Il y a Jean, veuf depuis 15 ans, depuis 15 ans il n’a pas vu son père Georges. Il est allé le chercher en urgence à l’hôpital, pour qu’il vive ses dernières heures dans sa maison. Il y a Gabrielle, la fille de Jean, qui arrive ensuite. Il y a Louis, le voisin du père. Jean est journaliste, Gabrielle est infirmière, Louis est un restructurateur reconverti en apiculteur.
Comme ses personnages, le texte est bancal. Je l’ai reçu comme un pêle-mêle. Des images diverses, qui parlent à celui qui les a posées, dans lesquelles celui qui regarde va prendre ce qui lui parle, ignorer le reste. Sans y trouver la critique cinglante du système annoncée en préambule.
Comme face à un pêle-mêle, j’ai picoré ce qui me parlait. Louis, mollusque autocentré et visqueux, une méchante caricature d’un métier incompris. Gabrielle, privée brutalement d’une partie de son enfance. Jean face à un père érigé en juge qui est incapable de l’aimer, qui donne à Gabrielle ce qu’il n’a pas eu. Toute ma vie j’ai marché sur la pointe des pieds pour ne pas déranger mon père ? pourquoi pas. Faire du bruit n’aurait de toutes façons rien changé.
Sur ce texte bancal, et malgré une représentation perturbée par des spectateurs d’une éducation douteuse(*), la mise en scène et la distribution tiennent le choc. Eric Charron donne un Louis égocentrique qui s’insère partout, ne s’intéresse qu’à sa petite personne, qui n’est responsable de rien, de ces personnages malveillants qu’on déteste au premier regard. Leïla Anis est une Gabrielle dans l’action, qu’on a envie de consoler. David Seigneur est un Jean en colère, une colère positive, une colère qui a fait la part du passé, qui ne sait pas ce que la vie lui réserve.
Jean est comme la pièce. Bancal, mais attachant, sans pathos. Je serais bien allé boire une bière avec lui, pour continuer à discuter avec le personnage.
Au Théâtre de Belleville jusqu’au 28/12/21
Dimanche 17h30 – Lundi – Mardi 19h00
Texte : Leïla Anis, Karim Hammiche
Avec : Leïla Anis, Eric Charon, David Seigneur
Mise en scène : Karim Hammiche
(*) merci à la dame repartie aux toilettes qu’on a attendu 10 minutes pour enfin commencer la pièce, merci au spectateur qui a mis si longtemps à éteindre la sonnerie de son téléphone