Un jeu sobre, de la musique dans la voix, Véronique Boulanger m’a convaincu dans cette version de Oh les beaux jours.
Le plateau est recouvert de toile sable. Winnie est assise, ensablée jusqu’à la taille. Un réveil sonne, encore une journée divine.
Il y a Winnie, immobile, qui parle et déroule sa journée, identique aux précédentes, à faire les mêmes choses avec les mêmes objets. Il y a Willie. Il y a un un Brownie, seul élément qui évoluera. Winnie parle, à la cantonade. C’est une mélopée, une lamentation. Elle parle de sa journée, de la difficulté qu’il y a à la tirer au bout. Elle parle à Willie, d’elle, de lui, de leur amour. Il lit le journal, grogne. Et puis viennent d’autres journées, Winnie est ensablée jusqu’au cou, Willie est endimanché, sa main se dirige vers le visage de Winnie, ou vers le Brownie.
Oh les beaux jours est une pièce de Samuel Beckett. Il y a du tragique, du comique, de l’absurde dans les journées de Winnie et Willie, et au fond il n’y a rien. La journée se répète, mais aucune histoire ne se déroule. Winnie parle, mais ils ne dialoguent pas. Winnie s’enterre, ça la révolte, elle n’a pas le choix. Est-ce que leur relation est différente de son miroir de poche, dans ce monde où rien ne change ?
C’est une pièce sur le rien. Pas sur le néant, sur le rien. Une formidable opportunité, mais aussi une pièce casse gueule. Véronique Boulanger a réussi à m’hypnotiser du début à la fin.
J’avoue que j’y allais mi curieux mi réservé, pas forcément convaincu par la bande annonce. En vrai, c’est beaucoup mieux. Il y a plus de sobriété dans son jeu, plus de musique dans sa voix. Sans excès ni exubérance. C’est un rôle qu’il faut tenir sans se laisser déborder, et hier soir Véronique Boulanger le tenait bien.
Au Studio Hébertot jusqu’au 15 juin 2020
En mars : lundi 21h00 / en avril-mai-juin : lundi 19h00
Texte : Samuel Beckett
Avec : Véronique Boulanger, Dominique Ratonnat en alternance avec Jérôme Keen
Mise en scène : Véronique Boulanger.
Je n'ai qu'une vie - Des émotions à partager 