Julie Brochen joue Molly S, d’après Molly Sweeney de Brian Friel, dans une adaptation chorale convaincante et poétique. Elle la joue sacrément bien. Au théâtre Dejazet.

Sur la scène, un piano droit, des tabourets hauts, des chaises. Au bord de la scène, une bouteille de whisky, une rangée de verres, comme sur un bar. Il y a la lumière, aussi, de la lumière noire, celle qui rend le blanc éclatant dans l’obscurité.
Voilà Molly, elle parle des tests qu’elle a subis, des mois et des mois de tests.
Comme Le Guérisseur, Molly Sweeney est une pièce de Brian Friel dans laquelle les personnages, sans se parler, racontent ce qui s’est passé, la façon dont ils ont vécu l’histoire. C’est le théâtre que j’aime, celui qui donne des impressions au spectateur, qui lui laisse constituer sa réalité, son histoire. Il y a trois personnages : Molly, qui ne voit pas et vit dans son univers à elle ; le docteur Rice, qui a sa renommée derrière lui, qui cherche un succès pour se reconstruire ; Frank, le mari de Molly, qui pense qu’elle doit retrouver la vue, qui travaille à ce qu’elle la retrouve. Mais peut-on sans dommage sortir Molly de l’univers qu’elle s’est construit ?
Julie Brochen a adapté les monologues de Brian Friel. Sans se parler, les personnages parlent de la même chose au même moment, parfois en parlant en même temps. Le pièce devient chorale, et ça marche, ça marche vraiment bien, c’est un plaisir que d’écouter cette adaptation.
Julie Brochen est Molly, et c’est une sacrée actrice, elle joue bien, elle joue juste. La pièce mérite d’être vue rien que pour la voir jouer, juste pour voir comment ses yeux jouent les yeux de Molly.
Olivier Dumait et Ronan Nédélec, comédiens et chanteurs lyriques, lui donnent la réplique. Leurs voix sont belles, éthérées, un peu trop peut-être pour celles d’un médecin sur le retour ou d’un ouvrier pas très cultivé, dans cette Irlande là, j’imaginais plutôt des voix rauques, cassées par l’alcool et le tabac.
Sur la mise en scène… je suis sorti ronchon, avec mon côté old school, s’il y a un accessoire sur scène, il doit servir à quelque chose, et toutes ces bouteilles… qu’il faut déplacer… La nuit est passée, je leur ai trouvé des explications, à ces bouteilles, à leurs mèches. C’est peut-être un champ de fleur, on serait dans l’univers que Molly s’est construit. Elles n’ont pas d’étiquette, c’est peut-être de l’alcool, de l’alcool frelaté, la raison pour laquelle Molly a perdu la vue, la cause de la déchéance du Docteur Rice. Elles ont des mèches, ce sont peut-être des cocktails Molotov, on est toujours en Irlande dans les années 50-70. La nuit passée, je ne sais toujours pas, mais je leur trouve une certaine poésie, je suis moins ronchon. C’est moi le spectateur, non ? alors ces bouteilles sont ce que je veux qu’elles soient, et elles sont tout ça à la fois.
Au théâtre Dejazet jusqu’au 30 novembre
11/12/13/14/15 Novembre à 20h30
20/21/22 Novembre à 20h30
23 Novembre à 16h et 20h30
26/27/28/29 Novembre à 20h30 et 30 Novembre à 16h et 20h30
Texte : Brian Friel – traduction Alain Delahaye – adaptation Julie Brochen
Avec : Julie Brochen, Olivier Dumait, Ronan Nédélec, Nikola Tako
Mise en scène : Julie Brochen