Les Fourberies de Scapin revisitées par Tigran Mekhitarian, un Road Movie urbain sur un fond de musique rap qui marche diablement bien, qui donne envie aux petits de retourner voir du Molière, alors n’hésitez pas, allez y.
Dans le hall, un jeune homme est assis, il a l’allure du héros d’Assassin Creed, tête baissée sous une capuche, un sac à dos dont dépasse une poignée, musique actuelle.
Sur scène, un tas de palettes, une échelle double. En fond de scène, une toile tagguée, une liste de pays, une série de noms, Justice pour… H – 10 minutes : les acteurs sont déjà là, ils déambulent sur scène, se serrent dans les bras les uns des autres. H – 5 minutes : un rap sort des enceintes.
Les fourberies de Scapin, tout le monde croit connaitre, c’est l’histoire de deux jeunes gens, l’un s’est marié, l’autre est amoureux, leurs pères absents reviennent, ils demandent l’aide de Scapin, valet malin mais pas très honnête, et tout finira bien, en passant par deux litanies, celle des « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? » et celle des coups de batons.
Tigran Mekhitarian revisite le texte, ajoute à la langue classique quelques expressions actuelles, transpose l’action dans un environnement urbain, y ajoute des séquences rappées, de la musique.
J’aime quand on sort les classiques des fascicules empesés, qu’on prend le risque de les travailler différemment, de les rendre actuels. Là, c’est une réussite, et j’ai totalement adhéré à ce parti pris.
Je suis fan du jeu de la langue, de la mise en scène, des interventions du régisseur, de Nérine juchée sur son escabeau qui exprime son avis, du jeu de Louka Meliava.
Tigran Mekhitarian a fait des Fourberies de Scapin un Road Movie, dans une ambiance urbaine, où les personnages parlent une langue très actuelle, où les différentes générations utilisent des mots différents pour dire les mêmes choses. Il mélange les mots du dix huitième siècle et le phrasé du vingt et unième, et ça marche bigrement bien.
La distribution est inégale, au fond c’est comme dans la vraie vie, les gens sont différents, et c’est l’assemblage de ces différences qui fait une équipe soudée, une équipe qui marche.
J’en ai vu, des versions des pièces de Molière, j’avoue que je suis souvent plus attentif à la musique des mots et au jeu des acteurs qu’aux mots eux même, ou à l’intrigue. Hier soir, j’ai redécouvert Scapin. J’ai écouté les mots, suis resté attentif à l’action.
Les grands parents plein de bonnes intentions qui vont emmener leurs petits enfants voir cette version de Scapin pour abandonner un instant leurs écrans vont sortir la bouche pincée, mais ces mêmes enfants vont sortir avec la banane, en sachant que la langue de Molière peut aussi se dire avec des accents très actuels, que le théâtre, c’est pas chiant, et c’est l’essentiel, ce sont eux les futurs spectateurs.
Baroudeur était assis à côté de moi, ses pieds ont remué d’enthousiasme pendant toute la pièce, et quand à la fin la troupe a annoncé qu’elle donnerait une version de l’Avare à la fin du printemps, il s’est tourné vers moi, et avec un grand sourire a déclaré « Papa, je veux aller voir l’Avare ».
Tout est dans cette phrase, au fond. Il enchaine les épisodes de Flash, et ils lui ont donné envie de revenir les voir.
Comme la salle qui les a salués de longs applaudissements, je leur dis Bravo, je leur dis Continuez.
Baroudeur : j’ai aimé les acteurs, le jeu des acteurs, la mise en scène, et surtout la musique. J’ai tout compris de la pièce. Scapin est un garçon qui aide les autres, en trahissant leurs pères. D’habitude il vole, mais là il ne gagne rien. Je veux aller voir l’Avare.
Fléchette : des garçons voulaient épouser des filles mais les pères ne voulaient pas, à la fin ils se rendent compte que (…). J’ai aimé la fin, quand les filles retrouvent leurs pères et qu’elles peuvent garder leurs amoureux. Est-ce que Scapin n’aurait pas pu obtenir l’argent sans voler ?
Au Théâtre 13 / Seine jusqu’au 14 avril 2019
Du mardi au samedi : 20h00 / Dimanche : 16h00
Texte : Molière
Avec : Isabelle Andrzejewski (Nérine), Théo Askolovitch ou Axel Giudicelli ou Damien Sobieraff (Carle), Sébastien Gorski ou Tigran Mekhitarian (Scapin), Charlotte Levy ou Pauline Huriet (Zerbinette), Tigran Mekhitarian ou Théo Askolovitch (Léandre), Louka Meliava (Sylvestre), Théo Navarro-Mussy (Géronte), Etienne Paliniewicz (Argante), Blanche Sottou (Hyacinthe) et Samuel Yagoubi (Octave)
Mise en scène : Tigran Mekhitarian
Une réflexion sur “Les fourberies de Scapin”