Deux frères, une sœur. Ils attendent que leur mère soit prête à mourir. Un moment vrai, décrit avec finesse et tendresse.
D’un côté de la scène, un évier, un frigo, une table de cuisine. De l’autre, un fauteuil, un cendrier sur pied. Au fond, trois portes, deux panneaux blancs. Lumière. Les panneaux sont des pans de murs, le fond de scène est un couloir. Le milieu de la scène est dégagé.
Il y a Guillaume, l’ainé, qui porte beau, travaille sa solidité réaliste. Il y Yvan, le deuxième, sensible et affectif, qui ne parle pas de lui. Il y a Jeanne, la dernière, qui sait où elle va. Il y a le babyphone, personnage à part entière.
Au bout du couloir, il y a la mère, alitée, inconsciente, qui vit ses derniers moments, difficilement. Yvan a cru qu’elle allait mourir, a appelé son frère et sa sœur.
Ils attendent et ils parlent, de ce dont on parle dans ces moments là quand on est une fratrie pas si unie. Des enfants de l’autre, qui sont devenus adultes, et dont ils ne savent pas grand chose. De l’étrangeté de dire Maman à cinquante ans. Du fait qu’elle partira quand elle sera prête. De la maison en indivision, il est trop tôt, on ne va pas en parler, mais en fait si. Des soins dont on se demande pourquoi on les poursuit. Du souvenir du père, et de l’enregistrement que la mère n’a donné qu’à Yvan. De la couleur des bols. Du fait de savoir si un jour ils ont entendu de leurs parents les mots « Je t’aime ». Ils attendent, et ils parlent.
Et de temps en temps, ils empruntent le couloir.
Il y a le babyphone, et il y a le couloir. On le voit bien, le couloir, la vue est dégagée. Le couloir et ses trois portes (et non, eux non plus ne ferment pas la porte des toilettes quand ils sont dans l’intimité). Le couloir dans lequel ils sont face à eux même autant que face à l’image de leur mère, dans lequel ils peuvent être eux même sans que personne ne les voit, dans lequel ils ressentent leurs émotions sans filtre. Le couloir qui est long, qui donne le temps de le parcourir.
Je me demande si au fond ce n’est pas le couloir le personnage principal de la pièce.
J’ai savouré la veine naturaliste de la pièce, son rythme lent comme un morceau de swamp rock, pendant la pièce j’entendais en fond sonore un air de Tony Joe White. C’est un moment, un moment vrai, un moment qu’on prend le temps de (re)vivre avec eux.
Un moment vrai, décrit avec finesse et tendresse, joué avec justesse, qui fait du bien juste parce que… ben oui, c’est comme ça.
Au Théâtre du Rond Point jusqu’au 7 avril 2019
Du mardi au samedi : 21h00 / dimanche : 15h30
Texte : Gilles Gaston-Dreyfus
Avec : Dominique Reymond, Gilles Gaston-Dreyfus, Stéphane Roger, et la voix de : Claude Perron
Mise en scène : Gilles Gaston-Dreyfus