Aglaé

Aglaé était, est pute. Aglaé se raconte. Aglaé dit sa liberté. Sa liberté de femme qui a choisi sa vie, la vie qui lui plaisait. Un bijou de sincérité, par deux passeurs de grand talent.

aglae
(c) Stéphane Trapier

Les gradins de la salle Roland Topor du Rond Point ont disparus. Dans l’espace libéré, des tabourets, fixés au sol, de grands espaces entre eux. Le long des murs, des bancs hauts. Du plafond pendent des barres lumineuses. Deux plateformes, une table, des bouteilles d’alcool, quelques verres.

On est dans un bar ? Nous sommes les clients ?

Aglaé entre. Bonsoir. Aglaé déambule. Aglaé raconte. Sa vie de pute. De pute, pas de prostituée, pas de péripatéticienne.

Aglaé raconte comment elle a commencé. Comment ça lui a plu. Comment elle a continué. Comment elle a pratiqué la rue, le bois, les annonces, les spécialités. Aglaé raconte ses clients, ses trois amours. Son mari. Le prince. L »homme qui l’a initiée au martinet. Aglaé raconte avec douceur. Avec humour, aussi.

Aglaé, surtout, dit sa liberté. Sa liberté d’avoir choisi sa vie.

Parfois Aglaé devient dure. Elle parle de celles qui se vendent parce qu’elles y sont forcées. Elle parle des maquereaux, des voyous. Là, elle est dure. Très dure. Une solution, devenir légale.

Aglaé raconte qu’à 70 ans, parce que ça lui plait, alors qu’elle a fait fortune… sa spécialité est devenue Etre Vieille.

Aglaé parle de son fils. Elle a eu un fils. Là, c’est plus difficile. Un petit fils. Là c’est dur.

A l’origine d’Aglaé, il y a une rencontre, entre Jean-Michel Rabeux, Claude Degliame, et Aglaé (ça n’est pas son vrai faux nom, la famille de son fils ignore qu’elle est pute). Une nuit de confidences, un magnétophone, une bouteille. Le coeur d’Aglaé s’est ouvert, elle s’est racontée. L’un a transcrit les mots de l’une pour les mettre dans la bouche de l’autre.

Aglaé est un bijou. Bijou de texte, bijou de jeu, bijou de mise en scène. Des mots sincères, des mots crus, des mots doux, des mots durs. Aglaé est une pièce qui déborde. D’émotions, de sincérité. Une pièce vraie.

Jean-Michel Rabeux, Claude Degliame ne sont plus là pour écrire, pour jouer. Ils sont là pour transmettre. Pour transmettre la liberté d’Aglaé. Ce sont deux passeurs formidables.

Il y avait dans la salle un groupe de jeunes, peut-être étudiants, bloc à la main, prêts à noter. Ils étaient fascinés, les blocs sont restés vierges.

Une bonne raison pour aller voir Aglaé… le texte, la mise en scène, le jeu, la scénographie, la lumière qui varie sans qu’on s’en rende compte, le jeu qui évolue au fil de la nuit, la vérité des mots, la sincérité du point de vue…. Vous qui n’êtes ni voyeur ni moralisateur… allez-y, et asseyez-vous au milieu, sur un tabouret.

La salle a très longuement, chaudement, applaudi.

So long, Mamie Nova.

Au Théâtre du Rond Point jusqu’au 30 décembre 2018
Du mardi au samedi – 20h30 / dimanche 15h30

Texte : Jean-Michel Rabeux d’après les mots d’Aglaé
Avec : Claude Degliame
Mise en scène : Jean-Michel Rabeux

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