J’ai un vrai coup de cœur pour Les Bijoux de Pacotille, qui m’a touché au plus profond. L’histoire d’une petite fille qui perd ses parents dans un accident de la route, qui grandit avec ses souvenirs, qui construit et reconstruit. L’histoire universelle de tous les enfants qu’un accident a rendus différents. A voir au Théâtre du Rond Point.
J’ai un vrai de coup de cœur, à tous niveaux, pour ce beau spectacle de Céline Milliat Baumgartner. Oui, vraiment, un beau spectacle. Un spectacle soigné. Qui m’a saisi.
Le spectacle commence dans le noir. La voix, amplifiée pas enregistrée, décrit chirurgicalement une scène d’accident, la scène de l’accident qui, une nuit de début de l’été 1985, dans le tunnel de la déviation de la RN13 à Saint Germain en Laye, a tué ses parents.. C’est précis, factuel. Un peu glaçant. Un point lumineux se fait, elle apparaît, un carton de déménagement dans les bras. Robe bleue, un peu enfantine, de ces robes qu’adorent les petites filles de 8 ans.
Tout le spectacle est déjà là. Une petite fille de 8 ans, que la vie va brutalement rendre différente, qui va se souvenir, apprendre à vivre avec cette différence, apprendre à regarder cette différence. Et, un jour, apprendre à pleurer à chaudes larmes. A regarder ce qu’il y a au fond de la boite. Trente ans après, elle se souvient, (re)construit sa vie, la vie dont elle se souvient. Et la joue.
Parce que la petite fille ne sait pas ce qui est arrivé, elle le découvrira, petit à petit. La petite fille sait qu’elle et son frère sont restés avec une baby sitter, un baby sitter en fait, dont c’était le premier baby sitting. La petite fille sait qu’ils ont salués distraitement leurs parents, profité de leur soirée. Que le lendemain matin, le baby sitter était toujours là, qu’il ne savait pas préparer le petit déjeuner. Que le téléphone a sonné, ce n’était pas ses parents, c’était son grand père, qu’il n’a pas voulu lui parler, qu’il a parlé au baby sitter, d’accident, qu’il était sur la route, il arrive. Elle parle. De sa mère, son modèle, actrice, belle, qui a joué dans un film de François Truffaut avec Gérard Depardieu, elle se souvient l’avoir embrassé, elle avait quatre ans. De son père, l’homme idéal. De sa vie.
J’ai un vrai coup de cœur pour le texte, il évite le pathos, la recherche d’une responsabilité, la culpabilité, le mal être… qui trop souvent émaillent les spectacles qui parlent d’une blessure. Il décrit la vie, parce que la vie, c’est comme ça. Les enfants se souviennent, de tout. L’enfant se souvient des détails, quand on on essaye de le préserver, il reconstruit. l’enfant vit, au quotidien, l’absence, le regard des autres. Sa différence. La vie qu’il n’a pas d’autre choix que vivre. Que vivre avec.
C’est ce qui fait la force du texte, c’est son universalité. A travers son histoire, c’est la vie de tous les enfants blessés par la vie qui est là. Les enfants qui, quand ils ne savent pas, imaginent. Les enfants qu’on croit préserver en ne leur montrant pas, et qui cherchent le secret qu’ils croient qu’on a voulu leur cacher. Les enfants ancrés dans le quotidien, rattachés à des détails, comme le bruit de ces bijoux fantaisie, les Bijoux de Pacotille que portait la mère le jour de l’accident, qui n’existent que dans le souvenir d’un procès verbal de gendarmerie. Que son frère a été chercher le jour de ses 18 ans, elle a mis onze ans à le lire, parfois il faut du temps pour aller voir. Parce que c’est comme ça.
Coup de cœur pour le texte, coup de cœur pour la mise en scène de Pauline Bureau également, qui tire un beau parti de la salle Roland Topor, un miroir, des projections vidéo d’une plage, la mer dans laquelle on barbote, on est plongé, on nage, sur laquelle on rame, est-ce encore la mer, ou est-ce la vie ? Ce carton, dans lequel on range ses souvenirs, qu’il faut savoir ouvrir, on baigne dans ses souvenirs. il y a de la magie dans cette mise en scène.
Coup ce cœur pour Céline Milliat Baumgartner, enfin, qui a eu la force d’écrire ce texte, qui a la force de monter sur scène, de le jouer. Qui, chaque soir, revisite ses souvenirs, les réinvente.
Vraiment, allez voir Les Bijoux de Pacotille. La vie vous a frappé ? Vous serez touché par la portée universelle du texte, vous vous y retrouverez. Elle ne vous a pas frappé ? Vous comprendrez quand même.
Au Théâtre du Rond Point – Salle Roland Topor – jusqu’au 31 mars 2018 – du mardi au samedi 20h30 – dimanche 15h30
Compagnie La Part des Anges
Une réflexion sur “Les Bijoux de Pacotille”