Noces de sang, c’est l’histoire d’une mère que le sort a privé de son mari, de son fils ainé, qui vit pétrifiée à l’idée de perdre son second fils. C’est l’histoire d’une jeune femme, que son père veut marier pour gagner des terres et des bras. Une jeune femme qui n’a pas oublié son premier amour, mais il n’apportait pas de terres.
C’est une époque, quand des générations successives mères décharnées prévenaient leurs filles des brulures de l’amour. Et, génération après génération, elles se brulaient.
Noces de sang, c’est la vie, la vie c’est l’amour, la violence, la mort. Vida, pasion y muerte.
Noces de sang, c’est un fait divers qui a inspiré Federico Garcia Lorca, c’était au siècle dernier, j’ai connu ces femmes desséchées qui ne tenaient que par leur acidité. C’était hier dans nos contrées, c’est de nos jours, ici et là.
Noces de Sang, c’est un double combat, entre deux femmes, entre deux hommes, deux combats que personne ne gagnera, que tout le monde perdra, il n’y pas de gagnant, pas d’espoir, dans le texte de Garcia Lorca. Un peu d’humour ? parfois, quand on rit pour éviter de grincer.
On entre dans Noces de Sang par la compagnie La Grue Blanche, par l’affiche, le dessin de Liliana Rago, il y a tout dans ce dessin, la sensualité, l’amour, l’ombre de de la mort qui se profile.
Un beau travail de troupe, 4 acteurs pour une douzaine de rôles, de beaux masques. Un décor épuré, juste quelques accessoires accrochés sur des fils de nylon, pour laisser le plus de place pour la danse.
En intégrant la danse, la musique, La Grue Blanche m’a emmené dans une version animale et sensuelle, une version brute, coup de poing de la pièce de Garcia Lorca.
J’ai été sensible au jeu d’Hélène Hardouin, mère meurtrie et vengeresse, femme ignorée, à sa voix qui s’élève quand elle se met à chanter, surtout, elle transmet tellement d’émotions dans ses intonations.
J’ai été ultra touché par le jeu de Maïko Vuillod, à l’initiative du projet, ce jeu tout en tension que j’avais adoré dans De Lorca au Tango deux semaines auparavant, elle joue, elle danse le tango, elle joue du violon, elle incarne cette fiancée envolée à peine mariée, veuve avant que la nuit de ses noces soit écoulée, elle incarne cette fiancée avec une puissance hypnotisante, elle lui apporte sa passion pour le tango, sa vie avec le violon, peut être le souvenir de… Le jeu de ses yeux est magique, son regard change d’émotion en un unique instant, guettez son regard qui se décompose de photo en photo lors de la séance traditionnelle, vous comprendrez.
Emotions. La pièce est dans l’émotion.
Emotions transmises par la mise en scène, qui fait de la pièce un coup de poing, on prend des émotions à la volée comme un boxeur qui baisse son attention prend une volée de crochets, à droite, à gauche, je suis sorti groggy, chamboulé, touché, chacune avait porté.
Emotions transmises par le tango. La pièce est brute, sauvage, animale, sensuelle. La pièce est une succession de tangos, elle revient aux sources de cette danse, tango, milonga, danses des bordels sur le Rio de La Plata, danse animale et sensuelle, le tango c’est le désir, le désir inassouvi, comme le sont les désirs de chacun des personnages de Noces de Sang, aucun n’obtient ce qu’il désire.
Avec deux grands moments. Deux superbes moments de tension, de force, de combat. Un tango dansé à trois, Maïko Vuillod entre Erwan Zamor son mari légitime, et Romain Sandère, son amour revenu, la femme prise dans l’étau du désir et du devoir. Le combat à mort du mari légitime et de l’amour revenu, la haine est si semblable à l’amour, tension à nouveau qui fige la salle, jusqu’à cet instant où un petit couteau fera son oeuvre.
Et pourtant le monde est grand, chacun y avait sa place.
La salle a remercié la troupe de ce qu’elle lui avait donné par de longs applaudissements nourris et mérités.
A La Folie Théâtre jusqu’au 16 avril 2017. Jeudi 19h30 / Samedi 18h00 / Dimanche 16h30.