
Le cabaret d’Eva Luna au Théâtre de Nesle : Michael Batz met en scène trois contes réalistes d’Eva Luna d’Isabel Allende pour porter la mémoire du coup d’état de 1973 au Chili. Un beau travail, un spectacle goose bumper.
Sur la scène, une femme est assise à une table, un enfant emmailloté dans les bras, un panier à ses pieds. Elle chante, en espagnol, on distingue les mots explicacion de su muerta. Elle pose l’enfant dans le panier.
Isabel Allende est la nièce de Salvador Allende, président du Chili de 1970 à 1973, mort pendant le coup d’état qui a porté le général Pinochet au pouvoir. En 1991, elle a écrit les Contes d’Eva Luna, vingt trois récits réalistes qui racontent l’Amérique Latine. La suite d’Eva Luna où elle racontant la vie d’une femme forte et passionnée, née dans une maison de passe, dans le contexte chahuté des années 1950-1980.
Le Cabaret d’Eva Luna fait partir d’un diptyque Chili 1973-2023 qui porte la mémoire du cinquantenaire du coup d’état de 1973. En 1988, à Londres, Michael Batz avait adapté La Maison aux Esprits, le premier roman d’Isabel Allende. Il a ici retenu trois de ces contes, les a sertis dans des chansons de Violette Para pour leur donner un lien, des chansons interprétées avec âme par la soprano Natalie Milon sur une musique jouée au plateau.
Trois contes, trois atmosphères. Le monologue de Marie La Simple, une jeune fille sans filtre que la vie a sorti de rails bien tracés, qui fait le choix de vivre de son plaisir et de celui des hommes. J’avais eu l’occasion de le voir dans Working Girls, un projet précédent de Michael Batz, j’ai eu plaisir à le revoir, à retrouver le jeu fin et le violon de Maiko Vuillod. Alba et Clara, inspiré de La Maison aux Esprits, l’histoire d’une femme jetée là par le fourgon qui habituellement jette des cadavres, qui se retrouvera dans les blessures laissées par les tortures, sur ses bras, sur celui d’un homme, une femme portée avec une conviction viscérale par Silvia Massegur. Le cri de quatre femmes aux revenus incertains, des mères, des femmes de disparus, qui interrogent, est-il encore possible d’être heureux, qui tisonnent, il faut sortir chercher les disparus. Une troisième séquence qui offre un moment de troupe aux comédiens.
Alternant les genres, Michael Batz prend le spectateur par la main, l’emporte dans un tourbillon de réflexions, d’émotions, de sensations, l’invite à poser son regard sur le monde. Sur les populismes qui, partout, ressurgissent quand le contexte économique redevient incertain.
Vous en sortirez le cœur souriant du destin de Marie la Simple, les tripes serrées par la femme jetée là, les poils dressés par ce chœur de femmes qui vous auront crié de vous lever enfin.
Au Théâtre de Nesle le 12/11/23
Dimanche : 19h00 et 21h00
Durée : 1h10 / 1h10
Texte : Isabel Allende, Pablo Neruda – chansons : Victor Jara
Avec : Michael Batz, Leo Melo, Nathalie Milon, Silvia Massegur, Natture Hill, Juan Arias, Maiko Vuillod
Mise en scène : Michael Batz
Visuel : DR
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
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