
Table Rase à la Manufacture des Abbesses : un huis clos remarquable et optimiste, un hymne à la vie, une ode à la sororité. Six actrices en une belle meute pour six personnages qui vont, en une soirée, changer leurs vies. Une pièce nécessaire qui mérite de s’installer dans la durée.
Sur la scène, un canapé deux places. Une longue table, deux chaises, une nappe carroyée comme pourrait l’être une chemise de bucheron. On aperçoit une peluche, un ours avec un bonnet de laine bleu. Une autre, un renne peut-être. Un brouhaha à l’entrée de la salle. Y a de la lumière, ici, parce qu’on ne voit rien…
L’action va se dérouler dans cette cabane, au bord d’un lac canadien, de ces cabanes qu’on trouve dans les romans américains, on y passe les vacances, on va s’y cacher.
Elles sont six. Six amies de longue date. Assez excitées. Elles parlent. De tout. De sexe, de cette façon crue dont les filles en parlent entre elles quand les garçons n’écoutent pas. Du programme de la soirée. De leurs vies. De leurs vies passées, et de ce qu’elles viennent d’abandonner. Abandonner ? Oui. Ce soir, elles changent de vie. Demain, elles ne vivront plus leurs vies d’habitudes complaisantes, demain elles vivront. Du moins cinq d’entre elles. C’est pour ça que ce soir, elles sont là, ensemble.
Pour faire table rase de leur passé. Pour se trouver, basculer d’une certaine insouciance vers une vie qui a un sens, un sens qui les transcende.
Elles sont six, six archétypes tranchés, on reconnaîtra certaines de ses relations dans chacune d’elles. Ce sont ses copines, dans lesquelles la spectatrice se retrouve, dont le spectateur s’étonne de voir comment elles peuvent être différentes, quand elles sont en groupe et qu’il n’est pas là.
Je suis bien sûr rentré dans la pièce par son côté « j’écoute à travers le mur ce qui se dit dans le vestiaire des filles ». Sans voyeurisme, juste en réalisant à nouveau que… ah oui, quand même. Et puis j’ai été saisi par la puissance empathique de l’amitié qui les unit. Une amitié vraie, qui va les emmener très loin, qui va les sauver. Les autres ne sont pas toujours l’enfer, et c’est parfois avec les autres qu’on tient debout.
Six personnages, six actrices qui forment une belle meute. Élisa Benizio, Odile Blanchet, Chloé Boccara, Laura Mello, Charlotte Monnier, Isis Montanier, elles sont toutes formidables sur scène, homogènes, elles jouent bien, juste, subtilement dirigées par Sylvy Ferrus, pour un rendu sans inhibition ni filtre.
Table rase est un huis clos remarquable. Un hymne à la vie. Une ode à la sororité. Une pièce dont il est nécessaire qu’elle s’installe dans la durée, parce qu’un jour chacun d’entre nous en aura besoin. Parce que ça peut faire peur, de sortir de l’insouciance. Pour comprendre le besoin de donner un sens à sa vie. Parce qu’il est face à une maladie incurable, à une décision à prendre.
Allez voir Table Rase. Au pire, vous rirez, et vous laisserez serrer le cœur au twist de la fin. Au mieux vous prendrez une leçon de vie. Dans tous les cas vous aurez passé un bon moment. Allez voir Table Rase, il faut que la pièce dure, et pour qu’elle dure, il faut que les spectateurs soient là dès le démarrage. Vous cherchiez quoi voir pour les fêtes qui sorte des sentiers battus ?
A la Manufacture des Abbesses jusqu’au 4 janvier 2023
Lundi, mardi, mercredi : 21h00 – dimanche : 20h00
Texte : Catherine Chabot, Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Rose-Anne Déry, Sarah Laurendeau, Brigitte Poupart, Marie-Noëlle Voisin
Avec : Élisa Benizio, Odile Blanchet, Chloé Boccara, Laura Mello, Charlotte Monnier, Isis Montanier
Mise en scène : Sylvy Ferrus
Visuel : « by lu »