Petite – Les Déchargeurs – Prolongation

Petite se prolonge aux Déchargeurs, maintenant à 19h15 : deux sœurs, un homme, des cartons. Ariane Louis nous emmène dans un univers à la Beckett, dans une mise en scène hallucinée de Thibaut Besnard, servie par une distribution de talent. Un vrai choc, un bijou rare, à ne pas manquer présenté par Les Insurgés, une compagnie à suivre sur la durée.

Sur la scène, des cartons, beaucoup de cartons, deux femmes qui s’allongent, enlacées, emmêlées plutôt, l’une protège l’autre de ses gestes lents, ensemble elles forment un escargot. Au fond de la scène, un homme se lève. L’intérieur de ce caveau ressemble à une maison. Impossible de dire si c’est le jour ou la nuit.

Elles sont sœurs, il y a la petite, et la plus grande. La petite range les cartons, tout le temps, par taille, par couleur, ou par contenu. Il y a aussi une porte. La plus grande regarde la porte, elle la fixe, elle écoute les sons qui parviennent du dehors, que la petite n’entend pas. Avant, elles étaient trois, leur aînée, pendant qu’elles dormaient, a franchi la porte. Au début, elles ne voient pas Thomas, l’homme qui décrit, elles sentent sa présence, quand elles le verront, elles s’essaieront à d’autres jeux.

Influencé par une phrase de la présentation, je m’attendais à une variation de La Dispute de Marivaux. Je me suis laissé surprendre, embarquer, par cet univers speedé. Pendant toute la représentation, j’étais hypnotisé, en apnée, les yeux rivés à leurs corps si mobiles, je guettais les yeux de la petite, les mains de la plus grande, à l’écoute des mots, des sons. Ils sont doués, très très doués, ils font un excellent théâtre. Je suis sorti scotché, bluffé.

Bluffé par le texte d’Ariane Louis, d’abord. On pourrait être dans la caverne de Platon, on est dans un univers à la Beckett, un univers d’enfermement, dans lequel l’attente est vaine, et l’espoir inutile.

Bluffé par la mise en scène de Thibaut Besnard, hallucinée, qui file à un rythme frénétique, qui oppose à une situation installée dans le temps une urgence effervescente. Une mise en scène chorégraphiée, ciselée, qui demande un engagement total des acteurs, de leurs corps, leurs pensées leurs yeux, où le son, la lumière, soulignent sans s’imposer.

Scotché par le jeu, prodigieux, saccadé, pressé des acteurs, et en particulier d’Ariane Louis et Julia Gratens, les deux sœurs, qui jouent, bougent, dansent, chacun de leurs gestes est dirigé, nécessaire, il porte un indice, traduit une obsession.

Chaque spectateur construira son interprétation sur ce terreau. La porte est-elle autre chose qu’un miroir ? Elles sont deux sœurs, ne sont-elles en fait que deux facettes d’une même personne, striatum vs cortex, hémisphère droit vs hémisphère gauche, moi vs surmoi ? Cette grande sœur qui les a laissées face ce temps qui ne passe pas, qu’elles attendent comme on attendrait Godot, est-ce vraiment la sœur, n’est-ce pas l’image de la mère ?

Petite est un spectacle différent, loin du mainstream, par une compagnie dont je suivrai le travail avec une attention gourmande. Ayez la curiosité, la sagesse, de le découvrir, de vous laisser bousculer.

Aux Déchargeurs jusqu’au 22/03/2022
Dimanche, lundi, mardi : 21h00
Du 06/03 au 22/03 : dimanche, lundi, mardi : 19:15

Texte : Ariane Louis
Avec : Ariane Louis, Julia Gratens, Edouard Dossetto
Mise en scène : Thibaut Besnard
Compagnie Les Insurgés

Visuel : Damien Guillaume

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