
Le Poète comme Boxeur au Lavoir Moderne Parisien : une mise en scène minimaliste de Kheireddine Lardjam, la vie de Kateb Yacine, ses mots percutants portés par Azeddine Benamara, ponctués par les chants de Larbi Bestam
Sur la scène, une table de bar, quelques livres posés dessus. Au fond, un tabouret, sur lequel s’assied Larbi Bestam, dont le chant ouvrira la représentation après une introduction de Kheireddine Lardjam, touché par cette salle bondée, l’indépendance de l’Algérie a 60 ans, il voulait jouer avant que les tam-tams ne retentissent, le texte est intégralement de Kateb Yacine. Je vous reviens avec ma gueule de paladin solitaire…
Reprenant les textes de Kateb Yacine, voilà que se recompose sa biographie. Son enfance, sa mère est un théâtre, sa langue arabe. A sept ans, son père l’envoie maîtriser le français. On croise Nedjma, son premier amour, il a seize ans, elle est mariée. En 1945, il manifeste à Sétif, commence à écrire. En 1952 il part pour la France, Nedjma devient un livre, le livre qui dit en français que l’Algérie n’est pas française. Revient en 1962 après l’indépendance, vit l’évolution du pays qui se cherche, entre ses multiples cultures, son histoire, le poids de la religion qui sort de son rôle quand elle devient prégnante, son monde n’est pas manichéen, son propos est engagé, son idéal est la liberté. Dans ses combats contre les oppressions successives, il sent le souffle du loup, sa gueule n’est jamais loin.
Profondément imprégné du théâtre maternel et de la langue vernaculaire de son enfance, ses mots sont ses poings, sa colère, contre l’occupant français et son latin, l’élite bourgeoise et son arabe littéral, les frères islamiques et les diktats de la religion. Maîtrisant les mots et les codes, sa réponse ciselée, venue de l’intérieur, s’opposait aux pouvoirs, elle choquera de nos jours la bonne conscience béate de certaines élites auto proclamées bien pensantes
J’ai apprécié la beauté du texte, ses mots percutants qui portent, bien servi par un Azeddine Benamara habité. La mise en scène est minimaliste, parfois stroboscopique, adaptée aux lieux les plus improbables, où le spectacle se jouera, en France comme en Algérie, qui fait cadencer les époques par des chants de résistance, interprétés par Larbi Bestam dont la voix impressionnante occupe tout l’espace.
Au Lavoir Moderne Parisien jusqu’au 23/01/22
Du mercredi au samedi : 20h30 – Dimanche : 17h00
Texte : Kateb Yacine adapté par Kheireddine Lardjam
Avec : Azeddine Benamara, Larbi Bestam
Mise en scène : Kheireddine Lardjam