
Je vole, et le reste je le dirai aux ombres, au Théâtre 13 : les moments clé de la vie de l’auteur de la tuerie de Nanterre défilent pendant la dernière seconde de sa vie. Comme un documentaire à base de témoignages, bien fait, auquel je suis resté extérieur, qui le renvoie à son inexistence.
Sur la scène, un banc, un lampadaire, une cabine téléphonique à pièces. On devine une structure en fond de scène, on entend des chants d’oiseaux. Je m’appelle Richard, je ne suis pas un homme comme les autres, j’ai un super pouvoir, je vole. On l’entend en voix off, une ombre sur la structure se détriple. Le téléphone sonne.
Il est dix heures vingt, et trente sept secondes. Une seconde, c’est le temps de chuter du quatrième étage du quai des orfèvres, Richard Durn se suicide pendant sa garde à vue, le 28 mars 2002, le lendemain de la tuerie de Nanterre. Pendant cette seconde, et sans jamais le voir, on va être témoins de moments pivots de sa vie, quand il a acheté son pistolet, s’est inscrit à un cours de théâtre, s’est porté volontaire pour une nouvelle mission humanitaire. Ses rencontres, avec une jeune femme en Bosnie, avec un collégien en échec quand il était surveillant, avec un futur père heureux. Parcourir une liste de ses fêlures.
J’ai reçu la représentation comme un de ces documentaires que savent bien faire les américains, qui prennent un événement et enchaînent les témoignages, sans analyser, en choisissant ce qu’ils montrent selon leur ligne éditoriale. Avec un sujet omniprésent qu’on ne voit jamais.
La pièce est bien faite, Clotilde Morgiève, Pierre Cachia, Jean-Christophe Dollé changent à vue de costumes et de personnage. On y trouve des moments d’émotion intense, d’incompréhension, des petits inserts de paranormal qui apporte une baisse bienvenue de la tension.
Je suis resté très extérieur au sujet, et suis sorti de la représentation sans être convaincu que Richard Durn mérite d’être au cœur d’une pièce. Sa vie ne m’intéresse pas. Il suffisait qu’une seule de ces rencontres tourne autrement pour qu’il n’y ait pas de tuerie de Nanterre ? certainement. La société peut-elle détecter tous les signaux faibles, peut-elle le faire sans exercer un contrôle absolue sur la vie des citoyens, accepterions-nous ce contrôle totalitaire… c’est comme les accidents d’avion, il y en a de moins en moins, il y en aura toujours. Des sujets de réflexion, qui ne sont pas dans la pièce, des sujets de discussion, pour après la pièce.
Ce qui rejoint l’intention de la pièce de replacer Richard Durn face à lui même, à son inconsistance, à l’inexistence de ses justifications humanistes, au renvoi enfantin de sa responsabilité à ceux qui n’ont pas su le voir, l’écouter. Personne ne l’a manipulé, il s’est auto influencé, son acte n’était que pure violence, derrière laquelle il n’y avait rien.
Au Théâtre 13 Bibliothèque jusqu’au 28/11/21
Du mardi au samedi : 20h00 – dimanche : 16h00
En tournée :
– Vendredi 7 janvier 2022, Théâtre Coluche, Plaisir (78)
– Samedi 15 janvier 2022, Espace culturel Alain-Vanzo, Gournay-sur-Marne (93)
– Vendredi 18 février 2022, Théâtre Jean Marais, Saint-Gratien (95)
– Vendredi 1er avril 2022, Le Point d’Eau, Ostwald (67)
– Vendredi 6 mai 2022, Espace culturel René Cassin, Fontenay-le Comte (85)
Texte : Jean-Christophe Dollé
Avec : Clotilde Morgiève, Pierre Cachia, Jean-Christophe Dollé et les voix de Félicien Juttner et Nina Cauchard
Mise en scène : Clotilde Morgiève, Jean-Christophe Dollé