Soie

Soie au Lucernaire : Sylvie Dorliat adapte le livre d’Alessandro Baricco, elle en pose avec sensibilité l’univers poétique, elle fait exploser une bombe de sensualité retenue.

Sur la scène, une mappemonde ancienne, un bureau d’écolier noir, trois robes derrière des voiles, noire, blanche et rouge. Sylvie Dorliat apparait, assise sur le bureau. Bien que son père ait imaginé un brillant avenir dans l’armée, Hervé Joncour exerçait un métier insolite, il achetait et vendait des vers à soie.

On est en 1860, à Lavilledieu (c’est dans l’Ardèche). Les vers à soie venus du Moyen Orient sont victime d’une épidémie, plutôt que de poursuivre une carrière dans l’armée, le jeune Hervé Joncour va entreprendre un voyage au Japon, un pays encore fermé aux étrangers. Parti début octobre, il prend des trains, traverse la Sibérie à cheval, descend le fleuve Amour, trouve un contrebandier, arrive au village d’Hara Kei. Il finit par acheter de vrais œufs de vers, mais surtout croise le regard d’une jeune femme, la concubine d’Hara Kei. A son retour, le premier dimanche d’avril, il est un homme riche, bientôt marié à Hélène.

Hervé Joncour fera trois autres voyages, écartelé entre son amour pour Hélène et les quelques jours qu’il passe chez Hara Kei, dans un pays dont il ne connait ni la langue ni les codes, à chaque voyage, pendant ces quelques jours, il croise la jeune fille, pour un instant de grande sensualité, un amour impossible. Au dernier voyage, le Japon est en crise, il perd du temps, Hara Kei le chasse, les vers qu’il va acheter arriveront éclos. Trois ans après, il recevra une lettre du Japon, Hélène mourra, Hervé Joncour s’assiéra au bord d’un lac.

Il m’a fallu un moment d’accoutumance pour rentrer dans l’histoire, je me suis ensuite complètement laissé embarquer dans les aventures d’Hervé Joncour, des aventures racontées avec sensualité, poésie. Embarqué, aussi, par la sensualité de cette jeune femme, la tasse, le billet… prenaient corps dans mon imagination de spectateur actif, j’étais Hervé Joncour, c’étaient mes lèvres, ma main, mon cœur, ma… jusqu’au twist final, qui a passé mes tripes au mixer, jusqu’au dernier moment.. Roger Penrose a émis dans Les Cycles du Temps l’idée qu’en observant avec attention, nous verrons un jour, en cercles concentriques dans l’espace, comme des rides sur un lac, des traces de ce qui s’est passé avant le Big Bang. Avec Hervé Joncour, j’étais au bord du lac, je regardais les ondes.

Soie est presque une pièce radiophonique, où le texte de l’auteur, la voix de l’actrice font l’essentiel. La mise en scène en est difficile, qui doit presque s’effacer, il y a quelques moments où elle m’a gêné, où j’ai fermé les yeux pour préserver mon ressenti.

En sortant du théâtre, j’étais toujours au bord du lac, j’ai laissé s’estomper les ondes de ce beau moment de sensualité. Je venais de trouver la réponse à une question que je me pose depuis longtemps.

Au Lucernaire jusqu’au 28 novembre 2021
Du mardi au samedi : 19h00 – dimanche : 15h30

Texte : Alessandro Baricco – traduction Françoise Brun
Avec : Sylvie Dorliat
Mise en scène : William Mesguich

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.