
L’odeur de la guerre au théâtre La Flèche : l’histoire d’une petite fille que la vie va enfermer dans un corps hypersexualisé, qui va trouver dans la boxe la voie pour en sortir. Un témoignage qui est venu griffer mon âme intime, et c’est pour ça que je vais au théâtre
Sur la scène, beaucoup de choses… Un sac de frappe, une petite table et son fauteuil, une écuelle, un drap, une autre table, elle aussi avec son fauteuil, et un dernier fauteuil, plié. Coucou… Oh my god… Oh mais d’accord, oh mais c’est pas vrai, vous m’attendiez ?
C’est la première d’une galerie de personnages, de ces filles que dans le sud de la France on appelle cagoles, elle revient sur les traces de son enfance, elle fait tout pour plaire à son homme, il la bat, elle a de la chance de l’avoir, pour le garder, elle mise sur son physique, tout pour exacerber son désir.
Voilà ensuite une petite fille, elle rêve, elle joue, elle explore le monde à sa portée, elle est naturelle, son rapport aux garçons est simple et sans souci. Voilà les seins qui poussent, les règles, la mère qui veut qu’on en parle pas, pour la protéger du regard des autres, retarder le moment où elle deviendra une proie. Voilà sa grand mère, qui transmet la règle de base, point de liberté pour la femme, elle appartient à l’homme. Voilà la jeune fille devenue femme saine qui ne boit que de l’eau, à un mariage elle retrouve l’ami d’enfance, l’alcool se met de la partie, la situation dérape. Voilà son prof de boxe, un peu sexiste quand même, il faut travailler, tout donner, se battre. La boxe, l’arme pour s’en sortie, la seule trace de son père absent. Voilà sa mère, qui noie sa solitude dans le mauvais rosé, qui attend un signe de son mari, de sa fille, de son chien, tous l’ignorent. Voilà la femme, devenue libre. Libre d’être une aventurière, de voyager sans savoir où elle posera ses bagages.
Quand j’ai vu arriver le premier personnage, je me suis un peu demandé où j’étais tombé. Et puis j’ai vu se démonter, petit à petit, le mécanisme par lequel elle fait de l’hypersexualisation de son corps un outil de protection, une protection imparfaite, qui masque ce qu’elle est vraiment, qui enferme ses rêves de petite fille. Un mécanisme qui perdure parce que, dans son entourage, les hommes, les femmes surtout, le préservent, le transmettent, parce que Unjourmonprinceviendra Disney le propage. Ce ne sont pas les Femmes, c’est sa mère, sa grand mère.
J’ai reçu la pièce comme un coup de poing, et pas seulement parce que Julie Duval, l’auteure/actrice est également boxeuse. Bien sûr il reste des scories, des longueurs, les personnages sont inégaux. Ce sont peut être ces imperfections qui sont venu en renforcer la fragilité, la sincérité, ce n’est pas un manifeste, c’est un témoignage, une mise en garde.
Bien au delà de l’aspect viscéral, Julie Duval est allé griffer mon âme intime, raviver mes peurs profondes, ce n’était plus Jeanne qui évoluait sur la scène, c’était mes cousines, mes filles. Il n’y a pas d’autre choix, elles quittent le nid, elles vont devoir évoluer dans le monde qu’elle décrit, elles ne sont jamais complètement prêtes.
Julie Duval est allé griffer mon âme intime, et c’est aussi pour ça que je vais au théâtre.
Au théâtre La Flèche jusqu’au 9 décembre 2021
Jeudi 19h00
Texte : Julie Duval
Avec : Julie Duval
Mise en scène : Juliette Bayi