
Beaucoup de Bruit pour Rien au Théâtre 71 : une version modernisée qui tire vers la farce, un parti pris solide qui démonte les mensonges et le sexisme de la société, laissant le spectateur tirer lui même ses conclusions.
Sur la scène, une fête se met en place. Pendant que les spectateurs entrent dans la salle, la tension monte, techniciens et comédiens se préparent, dressent une table, Léonato vient disserter du bruit, faire applaudir ceux qui resteront dans l’ombre. Voilà Borachio, j’apprends dans cette lettre que Don Pedro d’Aragon arrive ce soir à Messine.
Don Pedro rentre victorieux d’une guerre qu’il a gagnée, avec tous ses hommes vivants. Il y a Claudio, son second. Il y Bénédict, séducteur à la langue agile, qui a juré de ne jamais se marier, et qui joute depuis toujours avec Béatrice. Don Pedro s’installe pour un mois chez Léonato, riche, veuf, une fille unique, Héro. Claudio et Héro vont se fiancer, tout le monde va s’accorder sur le fait qu’il serait temps que Bénédict et Béatrice cessent de fuir leur amour, eux les derniers. Jean, frère manipulateur de Pedro, va tout tenter pour faire échouer le mariage de Claudio. Complot, rebondissements, fausses accusations, mort simulée de Héro. Tout finira bien, et les deux couples s’uniront.
Plus qu’à un prince aragonais des belles années, le costume de Don Pedro m’a envoyé vers l’univers des mafieux italiens, dans une collision d’époques et d’univers renvoyés dos à dos en matière de sexisme et de place de la femme. Le texte, dans une adaptation largement remise au goût du jour, vient renforcer cette impression.
La mise en scène pousse les traits de la comédie, tire vers la farce, pour un parti pris réjouissant. J’ai apprécié de revivre, grâce à une rotation du dispositif scénique, les scènes cruciales du point de vue de l’un, du point de vue de l’autre. La distribution tient le choc, avec des personnalités tranchées qui attrapent l’attention, la focalisent sur les personnages, bien que la fin de l’histoire soit connue et sans surprise, je me suis intéressé au devenir de chacun d’eux, avec mention particulière pour l’animalité qu’Elsa Verdon donnait à Borachio.
Si certains intermèdes traînent un peu en longueur, l’intervention de Bénédict au moment du changement de décor est savoureuse, qui rappelle à quel point, quand on n’est plus au théâtre, mentir a des conséquences, et les mensonges qui se déroulent sous nos yeux vont le démontrer.
Au Théâtre 71 – Malakoff Scène Nationale jusqu’au 15 octobre 2021
Du mercredi au vendredi : 20h00
Texte : William Shakespeare adapté par Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, Paolo Sandoz
Avec : Serge Biavan, Maxime Coggio, Christophe Danvin, Elsa Verdon, Gilles Nicolas, Paul Moulin, Soulaymane Rkiba, Aurélie Verillon, Mélissa Zehner
Mise en scène : Maïa Sandoz, Paul Moulin
En tournée :
20-21 octobre 2021 — L’Azimut – Antony / Chatenay-Malabry
23 novembre 2021 — Les 3T, Chatellerault
4 mars 2022 — La Faïencerie, Creil
25-26-27 mars 2022 — La Ferme du Buisson, Noisiel
31 mai 2022 — Théâtre des Deux Rives, Charenton-le-Pont
photo : Kenza Vannoni