Charles, télé-assistant chez Tourisme Europe Service, attend Winston Churchill, son obsession, qui vient dîner. Pendant ce temps là, il travaille, et on le découvre dans son humanité.

Sur la scène, un bureau qui est aussi une table, un fauteuil de rotin recouvert d’un plaid écossais, un frigo noir. On est dans le studio d’un célibataire endurci. Charles arrive, il attend Winston Churchill, il prépare un jambon rôti, un gratin. Pendant une heure, nous passons la soirée avec Charles, entre son obsession pour Winston Churchill et la réalité de son métier de télé-assistant pour touriste égaré.
J’ai une admiration sincère pour Hervé Le Tellier, ses interventions aux jeudis de l’Oulipo sont souvent savoureuses.
Je me suis attaché à Charles. Entre les aphorismes, les bons mots et les anecdotes, il s’est dévoilé dans sa solitude. Il y a le Charles tout seul, dans sa pièce à peine meublée, il remplit son vide avec une obsession admirato-maladive pour Winston Churchill, là il est incollable. Il y a le Charles qui travaille, et là on touche son humanité.
De l’autre côté de la ligne, Monsieur Rodriguez, touriste égaré dans la nuit pluvieuse au fond de la Bavière, et en plus il a crevé. Il faut reconnaître qu’il n’est pas bien malin, Monsieur Rodriguez, alors Charles balance, alterne mépris, mauvaise foi, a priori, jugement à l’emporte pièce, leçon de morale… jusqu’à se retrouver dans un nœud de culpabilité. A force de contacts, de détails, d’avoir trouvé un point commun, Monsieur Rodriguez n’est plus un étranger, c’est devenu quelqu’un qu’on connait, un prochain, et son prochain, on s’en occupe… en regrettant tout ce qu’on a dit de mal sur lui. Charles est humain, finalement. Un petit glitch de quatrième dimension, il sera remercié, dans sa banalité.
Mon dîner avec Winston est une pièce à tiroirs, on y trouve beaucoup de choses, qu’on attendait ou pas. Elle a une vraie profondeur, qui manquait à Moi et François Mitterrand. On y rit, mais pas que. Parce que si Charles n’appréhende pas l’humanité de Monsieur Rodriguez… c’est contre ça que s’est battu Winston Churchill, non ?
Au Théâtre du Rond Point jusqu’au 5 avril 2020
Du mardi au dimanche : 18h30
Texte : Hervé Le Tellier
Mise en scène et interprétation : Gilles Cohen