Perdre le nord

Un spectacle inclassable, qui dérange, qui bouscule. Marie Payen porte avec humilité les mots des déclassés et des exilés qu’elle a entendus sur les trottoirs et dans les camps de fortune.

(c) Stéphane Trapier

Sur le sol de la scène, trois plots lumineux, aveuglants. Posé sur l’un, une couronne, on la dirait de muselets, ce fil qui tient les bouchons de champagne. Devant la scène, un musicien attend.

Marie Payen entre, drapée dans un long morceau de plastique fin, s’adresse au public. Bonsoir, bienvenue. Elle va essayer, ce soir, de nous faire percevoir des mots. Elle parle. Dit des mots qui sont des mots d’exil, des mots de fuite, des mots qui hantent. Des mots qu’elle a cueillis sur les trottoirs, dans des campements de rien. Il y a une femme, sa langue. Il y a un enfant, mouillé. Il y a un homme, un dossier éparpillé. Elle danse. Sur des sons, une musique réelle, concrète, créée sous nos yeux.

Perdre le nord est un spectacle qui dérange, qui fait sortir de sa zone de confort.

Pour moi, le théâtre, c’est un (des) acteur qui sert un texte. Ici, le texte, ce sont les mots des déclassés, des exilés que Marie Payen a rencontrés sur des trottoirs, dans des camps de fortune. Par sa bouche, leurs voix se font entendre. Elle pourrait dire son texte dans le noir, les mots porteraient. Mais la musique, étrange, brute, concrète de Jean-Damien Ratel, qui n’illustre pas, qui soutient, qui contribue à déranger ? Mais la danse, qui va chercher la vue ?

Je n’ai d’abord pas compris la danse, je l’ai même effacée, en fermant les yeux pour ne recevoir que le texte. Quand le texte est devenu plus fort, je me me suis servi de la danse pour m’en évader, regarder au lieu d’écouter. Il y avait l’horreur dans les mots, la réalité dans la musique, la beauté dans la danse. Tout à fini par fusionner, je pense qu’elle n’est pas seulement destinée au spectateur, qu’elle est un hommage de Marie Payen aux hommes, femmes, enfants qu’elle a côtoyés, que la danse traduit les émotions qui l’emplissent, elle les partage, différentes chaque soir comme peuvent l’être les solos des concerts de blues.

En toute humilité, Marie Payen s’arrête, « les mots d’aujourd’hui sont à venir », elle ne vient pas vraiment chercher les applaudissements. Au delà de d’avoir été dérangé, bousculé, au delà des mots, des gestes, de la musique, ce qui me reste de Perdre Le Nord, c’est cette humilité, profonde et sincère.

Au Théâtre du Rond Point jusqu’au 29 décembre 2019
Du mardi au samedi : 20h30 / Dimanche : 15h30
Le 24 décembre : 18h30 / relâche les 8 et 25 décembre

Un spectacle imaginé, conçu et avec : Marie Payen
En étroite collaboration avec : Leila Adham
Son et musique : Jean-Damien Ratel

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