Un spectacle surprenant, intéressant. Trois actrices viennent partager la façon dont des films les habitent, sans jamais montrer une image de ces films.

Une grande scène très vide, très noire. Une mélopée « Il y a les films… ». Des projecteurs, sur trépied, ils éclairent, ils ressemblent bigrement à ces boites noires qu’on voyait dans les films muets. Le fond de la scène restera sombre, il n’y a pas de contres.
Emmenées par Cendre Chassanne, avec un langage très cinématographique, trois comédiennes vont se succéder. Partager, chacune à sa façon, un film qui l’a marquée, qui l’habite. Une création collective, trois résultats très différents, très personnels.
Il y a Carole Guittat, elle vient partager L’argent de poche de François Truffaut. elle raconte l’histoire que raconte le film, parle de Patrick Desmouceaux, le personnage dont elle se sent proche. De ce film que je trouve très inscrit dans son époque, elle fait ressortir les éléments intemporels, les impressions, les sentiments. Elle en fait quelque chose qui est à elle, qui n’est presque plus à Truffaut.
Il y a Isabelle Fournier, elle vient partager Ponette, de Jacques Doillon. L’histoire intemporelle d’une petite fille qui a perdu sa mère, que les réponses des adultes ne satisfont pas. Elle raconte le film, l’histoire du film, comment la Mostra a récompensé Victoire Thivisol, quatre ans, en lui donnant le prix applaudi et sifflé de la meilleure actrice. Elle parle de Jacques Doillon, de la façon dont il filmait, du combo qui a gardé la mémoire de ces instants.
Il y a Nathalie Bitan, elle vient partager Sans toit ni loi d’Agnès Varda. Elle ne raconte pas, elle vit l’histoire de Mona, vagabonde qui va rebondir de moment en moment, de rencontre en rencontre, jusqu’à ce que le froid l’emporte et que la bonne conscience germanopratine s’en souvienne. Elle s’appuie sur une mise en scène plus vivante, moins statique.
En entrant dans la salle, je me demandais un peu dans quoi j’allais tomber. J’arrivais avec mon histoire : le film que j’ai vu plusieurs fois, la dernière en DVD et en soupirant qu’il avait vraiment vieilli; le film que j’ai vu une fois en salle, avec appréhension, pour des raisons qui me sont propres; celui que je n’ai pas vu parce que la bonne conscience germanopratine m’énerve plus qu’elle ne me touche. Chacune des séquences, chacune des comédiennes m’a parlé. Chacune, à sa façon, m’a embarqué. Il y a la séquence où j’ai fermé les yeux pour revoir les images que la voix allait chercher. Il y a la séquence qui parlait à mon cerveau, j’étais très attentif. Il y a la séquence qui chopait mes tripes. A l’arrivée ? Il faut que je trouve une projection en salle de l’un des films. Ça va pas être facile.
C’est un beau travail, une création quelque part entre cinéma et théâtre, une oeuvre de mémoire peut-être, une oeuvre de vie surtout. C’est important, la vie.
Maintenant j’attends les saisons 2 et 3. Dans ces saisons, il y a des films qui font plus partie de mon panthéon.
Théâtre municipal Berthelot Jean-Guerrin de Montreuil et en tournée – dates sur le site de la compagnie Barbès 35.
Écriture et jeu : Carole Guittat, Isabelle Fournier, Nathalie Bitan
Conception, mise en scène et direction d’acteur : Cendre Chassanne
Création sonore et musiques : Roudoudou
2 réflexions sur “Nos films – saison 1”