Un professeur, une élève. Deux mondes, époques, personnes qui dialoguent, s’affrontent, ne s’écoutent pas, ne se comprennent pas. Une vision glaçante.

Sur scène, un bureau, deux chaises. Il est professeur d’université, elle est une de ses élèves.
Il va bientôt être titularisé, il achète une maison, toutes choses qui ne se passent aussi fluidement qu’il voudrait. Elle a du mal à suivre ses cours, elle a du mal à les comprendre. Tous deux ont leur fierté, tous deux sont sous pression, sociale et financière. Elle vient le voir, parler de son dernier devoir, il est à moitié au téléphone, devrait partir, reste. Elle le touche, il la touche. Pour chacun d’eux, l’autre a tort, l’agresse. Jusqu’à la fin ils vont se parler sans s’écouter, dialoguer sans se comprendre. Il suffirait d’un mot pour que les choses s’apaisent, le mot ne viendra pas, ils vont se détruire.
Oleanna est comme les rapports humains : complexe, chaque spectateur pourra la recevoir avec plusieurs niveaux de compréhension en fonction de son histoire et de son humeur. Et du temps qui le sépare de la représentation.
Il y a un professeur en position de pouvoir face à son étudiante, il y a un contexte, des mots, un geste. Qui est fort ? qui est puissant ? qui manipule ? Chacun des deux sait avoir raison. Chacun est sous pression, en colère, et sa colère l’empêche de voir les raisons de l’autre.
Dénonciation du sexisme, alerte sur le harcèlement bien avant la vague #MeToo ? bien sûr. Chronique d’une double manipulation ? aussi. Dénonciation d’un enseignement élitiste et creux ? également, et c’est le fait générateur.
J’ai apprécié l’efficacité de la mise en scène et la précision de la direction d’acteur, Violette Erhart va à l’essentiel. Elle a pris mon attention tripale par la main et l’a fait basculer petit à petit, mon empathie qui allait vers elle s’est petit à petit déplacée vers lui. Avec trois moments forts, celui où j’ai pensé « Le con », celui où j’ai pensé « c’est n’importe quoi, son cours », celui où j’ai pensé « La vache ». Et le regard final. Il y a beaucoup de choses dans ce dernier regard.
Au Théâtre de Nesle
17-25-26/09 – 19h00
Texte : David Mamet – traduction Pierre Laville
Avec : Roxane Davidson, Kevin Gouabault
Mise en scène : Violette Erhart