James Thiérrée donne Raoul à La Scala Paris, et si vous n’avez pas déjà votre billet, c’est trop tard.
J’ai revu Raoul. Après l’Opéra Théâtre de Massy, le 13e Art, La Scala. Une scène plus petite, et surtout, comme j’ai pris mes billets le lendemain de l’ouverture des ventes, des sièges au premier rang du second balcon, des sièges au paradis.
Du spectacle, pour une fois, je ne vais rien dire, juste laisser la parole à James Thiérrée, tout est là, tout le sublime de ce spectacle est dans ses mots.
Bonjour, bonsoir
Je voudrais aujourd’hui sur cette page ne pas vous raconter l’histoire de Raoul.
Me permettez-vous ?
J’aimerais plutôt, lorsque le temps viendra, un soir de préférence, vous exprimer mon envie de danser librement, de trembler pour parler, d’abattre les murs, de voler au secours, faire grincer les cordes arides, galoper mes bras et jambes, dormir debout bien allongé, rencontrer les bêtes infréquentables, engueuler la belle musique, libérer l’étoile, gifler mes mauvaises pensées…
BREF, j’aimerais, le moment venu, partager…ce moment venu. Avec vous, simplement.
Etes vous d’accord ?
Je voudrais ce soir là vous laisser être en ombres, dans vos sièges indépendants, et projeter comme un vent cinglant sur vos visages mon décor fragile (malgré ses airs robustes) ses poulies, ses contrepoids, projecteurs, système de largage, accessoires cabossés et autres textiles amalgamés…
Me suivez vous ?
J’ espère observer au travers de votre présence la lente métamorphose de ce prénom qui a pris la tête de mon navire sédentaire sous la forme d’un titre. Ce serait un spectacle où la solitude aurait pour miroir l’abondance et la foule, et où cette foule cacherait au sein des fragments singuliers dont elle est composée des désirs fous de liberté, de rencontre et d’évasion. Tout cela en retour reflété sur un : Raoul.
C’est un peu compliqué j’en conviens…
Il faudra que tout cela se précise dans votre tête un soir, et non dans la mienne, et que ce sentiment précis n’ait pas de nom, afin que vous puissiez lui en inventer un.
Vous êtes toujours là ?
Bon, le rendez-vous est pris, et le moment venu, ni vous ni moi n’en possédera la clef.
C’est l’essentiel.
Car je ne contrôle réellement rien.
Mais réellement rien ne nous contrôle.
Je l’espère…
James Thiérrée
Pour une fois, donc, je n’étais pas assis dans les premiers rangs de l’orchestre, j’avais un autre point de vue.
J’ai vu la précision des gestes de cet homme à qui les lois de la physique ne s’appliquent pas, de cet homme quantique qui peut être là ou là, là et là, et qui ne connait pas la gravité, de cet homme dont les os doivent être en caoutchouc, ce n’est pas possible autrement. J’ai vu le détail des orteils qui se lèvent et l’impression qu’il flotte dans le vide surgir. J’ai vu les mains bouger, les objets s’animer.
Bien sûr c’est le travail d’une équipe, soudée, millimétrée. Bien sûr il y a les animaux et les costumes sortis de l’imagination délirante de Victoria Thiérrée. Et la musique. Et la lumière. Et le monde autour. Pour que rien ne contrôle le spectateur, pour que la magie prenne, l’alchimie est précise, tous méritent un grand bravo.
Du paradis, j’ai vu James Thiérrée se déchainer, et j’ai savouré. Parce que James Thiérrée est un génie, et Raoul est sublime.
Et si vous n’avez pas votre billet, il vous reste la solution de guetter les prochaines programmations, et de voyager.
A La Scala Paris jusqu’au 20 mars 2019
Complet
Texte : James Thiérrée
Avec : James Thiérrée
Mise en scène : James Thiérrée
Costumes et animaux féériques : Victoria Thiérrée