Peur(s)

Peur(s), ou comment l’exploitation de la peur de l’autre peut conduire à la tyrannie.

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Sur scène, une cuisine ouverte, à l’américaine, avec son ilot central. Auquel sont fixés des tubes de cuivre, une chaine brille. Une femme entre pendant que les derniers spectateurs prennent place, se sert un verre, observe. Repart. Revient. De la musique, des gens arrivent, c’est un dîner entre amis, détendu.

La femme raconte. Il ne donnait pas de noms, ne racontait rien de précis, que des faits généraux, mais on voyait bien dans son regard qu’il revenait de l’enfer.

Peur(s) raconte plusieurs histoires imbriquées. Sans donner de noms. Celle de la femme, amoureuse, qui renonce à son premier amour, elle l’aime, il n’est pas juif, ses parents ne voudront jamais. Celle de l’homme, avocat pour être dans l’histoire et pas à côté, qui va se saisir d’un cas, celui de 10005, gagner, changer de métier. Soutenu par son premier amour. Celle de 10005, emprisonné pour avoir pris un café au mauvais endroit, au mauvais moment, en ayant le mauvais passeport.

Peur(s) raconte la peur de l’autre. La peur de l’autre qui n’a pas d’autre tort que d’être autre, différent.

Il m’a fallu la nuit pour digérer Peur(s). Quand je suis sorti de la salle, je trouvais le propos très manichéen, la mise en scène trop compliquée, le gentil français vs le mauvais américain.

La pièce est montée comme un documentaire télévisuel, des séquences qui s’enchainent, très cut. Un accessoire qui apparait, une lumière qui varie, la musique diffère, le même acteur a changé de personnage, la sœur est devenue le directeur de la CIA, je finissais par m’y perdre un peu, l’avantage du documentaire, c’est qu’il dispose du banc titre pour préciser qui est qui. Et l’apparition d’une perruque peut déclencher des rires qui font perdre le fil du texte, pourtant non neutre.

Peur(s) est engagé, une fois digéré, le propos de Peur(s) n’est pas si manichéen. Peur(s) remet les choses en perspective de l’histoire, depuis les Alien and Sedition Acts (comment ? la guerre navale de 1798 entre la France et les Etats-Unis ne vous dit rien ?), l’affaire Dreyfus, l’emprisonnement des citoyens américains d’origine japonaise après Pearl Harbour ? Le peuple a peur, le gouvernement rassure, au mépris des lois que la peur suffit à faire oublier. Et d’ailleurs tu n’épouseras pas cet homme, il est différent de nous. Ah… chez nous c’est pareil, en fait…

Peur(s) mérite votre attention, que vous soyez progressiste ou conservateur.

Au fait… 10005 a un nom : Lakhdar Boumediene.

Au Théâtre de l’Etoile du Nord jusqu’au 2 mars 2019
Mardi/Mercredi/Vendredi : 20h30 – Jeudi/Samedi : 19h30

Texte : Hédi Tillette de Clermont Tonnerre
Avec : Julie Brochen, Gwenaëlle David, Milena Csergo, Vincent Debost , Frédéric Jessua, Raouf Rais, Lucas Bonnifait
Mise en scène : Sarah Tick

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