Outre le moment merveilleux qu’ils m’ont fait passer, je dois à Rotem Jackman, accompagné de Georges Thooris, d’avoir éclairci un des mystères de mon adolescence. Deux raisons de leur dire, à tous deux, un grand merci.
Quand j’avais 13-14 ans, j’avais acheté l’Anthologie de la Poésie Française de Georges Pompidou. Un épais livre de poche. Par curiosité. Sans trop comprendre l’intérêt. A l’époque, la poésie, c’était un truc d’école, au mieux on lisait, au pire on apprenait à réciter. Et puis c’était bizarre. Pompidou venait de mourir, Président de la République, anciennement Premier Ministre, il avait le temps de compiler des textes pour en faire un recueil ? Des textes qui n’étaient même pas les siens ? Non, vraiment, c’était bizarre. J’ai longtemps gardé le livre, je le feuilletais de temps en temps. Je pouvais comprendre pourquoi Sylvain Floirat l’avait édité, mais pas plus. Un jour de 2005, le livre a disparu.
Je n’avais pas perçu la provocation, la provocation par laquelle Rotem Jackman a commencé son spectacle. Provocation à aller voir par soi même. Provocation à faire la sienne. Parce que le fil conducteur d’une anthologie, c’est celui qui l’a faite.
Bon. Je suis clairement plus proche de Rotem Jackman que de Georges Pompidou.
A l’étage de la mairie du IIIe, une grande salle, un piano. Un cabinet de lecture, une table, des livres, des cahiers. Un son qui résonne. La musique de Gabriel Fauré, pour commencer. Un texte, une scène, Perdican, Camille, la petite fontaine. Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour II-5 si vous avec la curiosité de chercher.
Je ne suis pas en train de lire, je suis en train d’écouter. D’écouter un texte que j’apprécie, lu par un homme qui l’habite, qui lui donne une part de son âme. C’est beau.
Je me laisse embarquer, un texte, une ponctuation musicale, l’attention monte, la tension descend. Sans musique, ça serait lassant. Le texte en boucle, parfois, l’humeur monte, l’intensité la suit.
Je retrouve un vieil ami, Enivrez-vous est là, j’aurais voulu les enregistrer, le diseur, le joueur, garder ce moment comme un bijou précieux. La musique entraine le texte, le texte entraine la musique. L’ivresse est aussi là !
Je retrouve des connaissances, Victor Hugo, Le Mot. Verlaine chanté par Trenet ? Le Divan de Rostand, tiens, il a laissé autre chose que son théâtre.
Je découvre, heureusement, ou redécouvre autrement. Victor Hugo, Le crapaud. Les conseils de Marie Noël, un très beau texte qui me touche, la plus grande poétesse de son époque, apprise dans les écoles ? Ah.
Rotem Jackman dit le texte, il sert le texte, c’est magique.
Le spectacle va évoluer, forcément. Mais je suis sûr qu’il va vivre. Si un jour il passe près de chez vous, ayez la curiosité d’aller passer une heure hors du temps. Vous ne regretterez pas votre heure, et votre âme en sera plus légère.
Rotem Jackman a raison… se laisser emporter par une anthologie donne envie de faire la sienne.
Avec : Rotem Jackman
Accompagné de : Georges Thooris
Textes : Alfred de Musset, Marie Noël, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Victor Hugo, Claude Lemesle, Jean de La Fontaine, et d’autres.
Musiques : Gabriel Fauré, Georges Thooris, et d’autres.