Brice Hillairet présente pour le Prix Théâtre 13 une version talentueuse et rythmée de Lorsque l’enfant parait. En l’inscrivant dans l’actualité récente.
La scène est vide, la réserve de la régie est encore ouverte, les rideaux de côté ne sont pas là. Rien n’est prêt ? Tout se précipite. Les acteurs arrivent, mettent tout en place sous nos yeux, enfilent leurs costumes. Sur scène ? Une banquette rouge, comme on en trouve dans les dinners. Sur une bande de moquette crème. Trois panneaux. L’année, 1946. Le décor, un intérieur bourgeois luxueux. La magie du théâtre.
Lorsque l’enfant parait est une pièce d’André Roussin. Charles Jacquet est sous secrétaire d’état à la famille, il vient de faire voter deux lois. L’une ferme les maisons closes, l’autre alourdit les peines prévus en cas d’avortement. Quand il rentre chez lui, il apprend successivement que sa femme est enceinte, que son fils a mis enceinte sa secrétaire, le tout au grand dam de sa fille, progressiste qui vise un beau mariage. Les événements vont s’enchainer, son père va le déshériter, une certaine Madeleine va revenir frapper à sa porte. Charles Jacquet, homme de convictions, va prendre en privé des décisions bien différentes de ses positions publiques, se retrouver face à ses propres contradictions.
C’est une pièce que j’aime bien revoir, elle a le rythme d’un bon Feydeau, elle remet en cause les principes moraux tout en finissant heureusement comme un bon Marivaud. Servie par une belle distribution, elle est… diabolique.
J’ai donc doublement apprécié le travail de Brice Hillairet.
Son parti pris esthétique. Sur la grande scène du Théâtre 13 Seine, une banquette, une bande de moquette. Les acteurs l’arpentent d’un pas décidé, l’action pourrait se concentrer autour de trois fauteuils, elle occupe tout l’espace. Il s’appuie sur une belle distribution, bien dirigée, j’ai admiré leur jeu, les petits instants qui captent l’attention, et puis je me suis laissé embarquer, j’ai savouré. La pièce est en 5 actes avec un entracte ? Pas de rideau baissé, un simple coup de projecteur sur le public. Et un panneau Entracte (bon, oui, mais là on n’a pas le temps).
Son inscription dans le temps. Dans le fil de la pièce, Brice Hillairet inscrit deux moments forts, les mots de Simone Veil à l’Assemblée Nationale lors des débats de 1974 sur l’IVG. Ceux de Gisèle Halimi en 1980 pour qu’il soit remboursé par la sécurité sociale. C’était il y a quarante ans, le débat est clos ? Voilà des extraits sonores d’une manifestation anti IVG de 2018 à Paris. Voilà l’état des lieux de la réglementation en Europe. Grinçant.
Une pièce qui vous embarque, vous fait rire… et puis réfléchir. Bravo.
Théâtre 13 Seine – les 1 et 2 juin 2018 – 20h00
Texte : André Roussin – extraits de Simone Veil (1974) et Gisèle Halimi (1980)
Mise en scène : Brice Hillairet
Avec : Eloïse Auria, Georges Bécot, Agathe Cemin, Silvie Laguna, Loïc Mobihan, Julien Muller
Je partage votre avis. J’ai beaucoup aimé le spectacle aussi et j’ai beaucoup ri.
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