Monstre Manifeste

Marion Chobert a osé s’inspirer de L’Orange Mécanique, en faire un seul en scène qui nous renvoie aux peurs viscérales des sociétés humaines, aux conséquences de la façon dont ces sociétés réagissent. Une réussite, portée par la performance de Romaric Séguin.

Monstre

« On est prêts ? On se fait quoi ? On est d’accord, on veut du vrai, on veut du sérieux. » Alex, l’humble narrateur, mais à l’époque encore Alex Le Grand, s’adresse à ses droogs. A ses droogs, ou aux spectateurs ? Dès les premiers mots, Romaric Séguin avait embarqué la salle.

Monstre Manifeste est inspiré de L’Orange Mécanique, écrit par Anthony Burgess, filmé par Stanley Kubrick. Alex raconte son histoire, ses nuits dans l’ultraviolence, ses relations avec ses parents. Jusqu’à la trahison de ses droogs. Ses années de prison, comment elles vont l’enfermer. On y retrouve la langue inventée par Burgess, le maquillage de Malcom McDowell.

C’est le message de Marion Chobert, sa réflexion. Comment la société laisse Alex tomber dans la violence. Comment elle réagit. Comment la prison l’enferme dans sa violence. La purifie, la renforce. Son message est intemporel. Le choix de certains mots, l’ambiance l’inscrivent dans l’actualité immédiate. Les mots cité, radicalisation transpirent. On retrouve « La France a peur« . Les bandes des fortifications. La prison-punitive est-elle la solution ? Est-elle, au fond, plus efficace que la vengeance immédiate et directe ?

C’est le discours d’Alex. Regardez, je suis un monstre. Vous êtes d’accord, vous à qui je raconte mon histoire ? Bien sûr, je suis un monstre, il faut m’enfermer. Pourtant j’aime le beau, Beethoven. On m’enferme. Mais regardez à quoi conduit cet enfermement. Pendant ? Un concentré de violence entre gens qui aiment la violence. Après ? Impossible de trouver un travail. J’ai un CV de violent, un réseau de violent. Mes droogs ? L’un est mort, l’autre est marié, le troisième a repris ses études.

J’ai reçu le texte, le message. J’ai reçu la performance. La très belle performance de Romaric Séguin. Seul sur scène, aux commandes du spectacle. Avec un synthétiseur, un iPod, une console lumière. Un rond blanc. Romaric Séguin est Alex, le narrateur. Comme celui qui conte son histoire, il est attentif aux réactions de son auditoire, s’excuse d’avoir fait peur à une spectatrice, propose un peu d’eau à celui qui tousse. Un auditoire attentif, emporté. Sur le fil d’interagir.

Je suis ressorti avec un grand coup de cœur pour ce spectacle. Un spectacle singulier, engagé, intime. Un spectacle qui interroge. Qui touche autant ceux qui vont souvent au théâtre que ceux qui en sont plus éloignés. Un spectacle qui génère le besoin d’en parler. Un spectacle à voir en famille, entre amis. Un spectacle aussi à sa place dans le foyer d’un lycée que sur une scène. Un parti pris osé, s’inspirer d’un monstre sacré en en prenant ses distances. Un parti pris qui marche formidablement bien.

A la Maison des Métallos jusqu’au 2 juin 2018 – Me 19:00 / Je Ve Sa 20:00 / Ve 14:00

Texte et mise en scène : Marion Chobert d’après le livre Orange Mécanique d’Anthony Burgess

Avec Romaric Séguin

Compagnie Esquimots

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