Dans les années 80, neuf personnes montent dans un autobus bulgare et délabré, emmenés dans un voyage catastrophe par un conducteur aussi invisible que fou. Un voyage dans la petitesse et l’égoïsme de chacun, au théâtre 13.
Neuf personnes montent dans un autobus. Neuf personnes, qui ne se connaissent pas, ou qui ne devraient pas se connaître. Neuf personnes, chacune avec son histoire, son caractère. Comme dans la vie, neuf personnes qui n’ont d’autre point commun que d’aller dans la même direction, chacun pour sa raison, à ce moment précis. Au volant du bus – invisible, au dessus de tous comme une main divine surpuissante – le conducteur décide de ne pas suivre l’itinéraire prévu.
Voilà le point de départ d’un voyage catastrophe.
On est en Bulgarie dans les années 1980, la pression du régime communiste vient s’ajouter à l’inquiétude ambiante, la peur d’être dénoncé. Notre monde est-il si différent, où une femme peut se faire agresser dans le métro sans que personne ne bouge ?
A froid, il ne devrait pas y avoir de problème. Ils sont neuf, il est seul, il suffirait de s’allier pour revenir sur l’itinéraire prévu, discuter avec le chauffeur, revenir à une situation normale. Mais pour ça, il faudrait se parler, s’écouter, se comprendre, se faire confiance. Préférer l’intérêt commun à l’intérêt de chacun, surtout quand au fond, l’intérêt commun et l’intérêt de chacun vont dans la même direction. Ils en sont incapables. Incapables de donner un peu chacun. Capables de vouloir que l’autre donne tout. Capables de sacrifier l’honneur, la vertu, la vie de l’autre.
Chacun défend son petit intérêt, incapable de s’ouvrir aux autres. Chacun veut sauver sa peau, oubliant que sauver la peau de tous, c’est aussi sauver la sienne. Plutôt que de se réunir, de réfléchir ensemble, le groupe va chercher une victime sacrificielle à offrir en hommage au Dieu-Conducteur tout puissant, jusqu’au moment où l’Autobus reprendra la route, où le groupe disparaîtra, où chacun reprendra sa place, ignorant des autres.
L’autobus est une froide et glaçante description du comportement des groupes, de la façon dont un ensemble de personnes normales et pleines de bon sens peut se transformer en un groupe imbécile et méchant. On est aux bornes de l’expérience de Milgram (revoyez I comme Icare).
La mise en scène de Laurence Renn emmène les acteurs dans un ballet qui mérite un grand bravo, c’est réglé et joué au cordeau, quelque soit le passager sur lequel le regard se porte à un instant donné, il est vivant, j’aurais presque envie de revoir la pièce neuf fois, pour simplement pouvoir suivre chacun d’eux du début à la fin. Neuf acteurs, neuf gueules pour neuf profils marqués et différents.
La pièce se déroule en Bulgarie dans les années 1980, elle pourrait se dérouler en France en 2018, la mécanique de fonctionnement des groupes est toujours la même, toujours implacable.
Une tragicomédie burlesque, grinçante et glaçante, à voir et à revoir.
Au Théâtre 13 (Seine) du mardi au samedi à 20h00, le dimanche à 16h30, jusqu’au 11 février.