La Petite Folie, à La Folie Théâtre, est un bel écrin pour le beau texte de Danièle Mahaut, un moment clé dans la vie de deux femmes qui auraient du se détester et qui vont être chacune pour l’autre la clé d’un futur épanoui. Merci d’être passée, un texte plein d’émotions, d’humour, d’impudeur pudique et de légèreté malicieuse, justement récompensé par le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant.
Hortense et Richard, il est musicien, enseigne le piano à domicile, elle est peintre, enseigne aux beaux arts. Hortense s’ennuie dans une vie convenue et le défilé irritant des élèves de Richard. Arrive Axelle, rapidement surprise dans le lit de Richard. Tout est en place pour un petit boulevard primesautier avec une variante annoncée par le flyer, c’est vers Hortense qu’Axelle revient.
C’est toute la finesse du texte de Danièle Mahaut de prendre la tangente d’une rigolade annoncée et d’éviter les cris et les claquements de portes, elle va se concentrer sur la relation Hortense / Axelle, la relation entre deux personnes que tout devrait opposer. Plus qu’une génération, une vision imposée de la vie les sépare.
Hortense a quarante ans, elle a été élevée dans un modèle suranné encore figé dans le respect des conventions, l’obligation du mariage, le devoir d’enfanter, elle vit dans le souvenir de ses années de pensionnat, l’endroit où, au fond, elle était heureuse. De Madeleine, sa meilleure amie de l’époque. Elle vit dans la résignation. Une résignation alimentée au Grand Marnier depuis des générations de femmes (là, si vous voulez comprendre, il faudra aller voir la pièce).
Axelle a vingt ans, elle n’a pas de barrières mentales, elle n’a pas peur, elle ose. Son insolence n’a pas encore été polie par la réalité.
Pour Hortense, plus qu’une rencontre, Axelle va être une porte. Je crois beaucoup aux personnes-portes, des personnes qu’on rencontre à un instant de sa vie, qui vont nous transformer, nous faire évoluer, nous faire découvrir qu’en bougeant, on découvre d’autres possibles.
Grace à Axelle, Hortense va ouvrir les yeux sur la réalité de sa vie avec Richard, sur les mensonges, sur les moments intimes endurés plusieurs fois par jour (il y a quelques pépites sur le sujet, de ces répliques qui font rire d’un rire qui hésite entre le noir et le jaune). Elle va se (re)découvrir, s’accepter. Reprendre sa vie au point précis où elle l’avait laissée vingt cinq ans auparavant.
J’ai beaucoup aimé le texte de Danièle Mahaut, il est fin, malicieux, pétillant, profond. Au delà d’un beau texte sur la découverte et l’acceptation de soi, et sans prise de tête aucune, c’est une invitation à bouger, à accepter de se laisser réveiller, bousculer par quelqu’un de différent pour pouvoir bouger.
Dans une belle mise en scène de Cécile Carrère, j’ai apprécié l’interprétation toute en retenue d’Anne Mano. Elle prend le temps de jouer, de se laisser emplir d’émotions, de les laisser passer. Dans un monde où tout va vite, où tout est mesuré, chronométré, millisecondé, c’est rare, c’est précieux.
Une belle pièce, donc, de ces pièces dont on sort avec le souvenir d’un bon moment, dont on revisite le propos en se disant… « quand même, elle a raison ».
Danièle Mahaut (Mathilde Partiot) a reçu le P’tit Molière 2017 du Meilleur Auteur Vivant pour cette pièce qu’elle a écrite il y a deux ans, elle avait 21 ans. Elle en a 23, n’a pas encore fini ses études, et a des projets plein sa musette. A suivre avec attention.
A la Folie Théâtre, vendredi et samedi à 19h30, jusqu’au 3 mars 2018