Les Soulmates revisitent a capella les grands hits des années 30 à aujourd’hui. C’est amusant, intéressant, et quand elles se lâchent enfin, elles vous prennent aux tripes et là ça devient grand.
Les Soulmates, ce sont Anne, Jess, Linda, Marie, Sandrine, cinq filles, cinq personnalités, cinq voix a capella qui revisitent à leur façon les hits qui surfent sur les hit parade depuis les années 30. Une sélection éprouvée par le temps, des titres auxquels elles apportent de l’harmonie, et la dynamique du jeu.
Elles entrent sur scène, elles y vont. Elles jouent et chantent, c’est entrainant, j’apprécie. Je trouve superbe leur version d’Andy, des Rita Mitsouko, j’admire leur reprise de Chandelier de Sia, celle de Louxor de Philippe Katerine, la transformation de J’ai deux amours. Je me prends à chercher à reconnaître les titres, je les ai presque tous. Je trouve ça beau, bien interprété. A réaliser qu’au fond, je le regrette un peu, que ce soit si beau, c’est presque du champ choral, travaillé jusqu’au dernier détail, et du coup ça manque un peu d’âme. Les voix sont pures, parfaites, il leur manque un peu de crade, celui qu’apporte une pointe de réverb, des années de tabac et d’alcool, la fatigue. Voilà, c’est le récital amélioré d’une chorale, pas un concert, un truc que j’admire avec ma tête, mais qui ne m’emporte pas. C’est un spectacle parfait, trop parfait. Rythmé par un running gag, le jingle pour le producteur. Je sentais la maitrise, le contrôle.
Et puis voilà Où sont les femmes. Patrick Juvet, vraiment ? Elles envoient, vraiment. Les cheveux sortent en bataille. Là, j’ai été pris aux tripes, et elles ne m’ont pas lâché. Leurs voix ont pris de l’ampleur, elles se sont mises à vibrer. Je ne suivais plus, je vivais. C’est simple, je me souviens des titres d’avant ce moment, pas de ceux d’après, sauf Tous les mêmes.
J’avais vécu la même chose au concert de Patti Smith à l’Olympia en 2015, quand elle a rejoué Horses pour une captation, pendant les dix premiers titres, c’était beau, pur, propre, léché, parfait, presque chiant. Et ensuite elle s’est lâché, le son est monté, c’était plus approximatif (tout est relatif, ok), c’était vivant, vécu, magique.
Là, c’était pareil. Quand le spectacle s’est transformé en concert, je n’étais plus en train de déguster une verticale de Ruinart Millésimé dans des coupes Baccarat, j’étais dans un bar, une pinte de blonde servie dans un verre douteux, et soudain cinq copines accoudées au bar envoyaient à leur sauce quelques chansons, elles prenaient l’attention, pour un moment unique.
Voilà, c’est ça. J’ai vécu la première partie comme un récital, un enregistrement, quelque chose de maitrisé qui sera identique à chaque fois. Et la seconde partie comme un moment unique, qui n’existait que ce soir là. C’est vrai pour moi, c’est vrai pour Baroudeur, qui a écouté sagement la première partie, qui se trémoussait sur la seconde.
Vraiment, si j’étais leur producteur (puisqu’elles en cherchent un…) je les ferais chanter (pas chauffer la voix, chanter) pendant une demi heure avant d’entrer sur scène, ou alors je leur ferais boire un verre d’alcool, juste pour qu’elles basculent plus tôt en mode On se lâche et on envoie. Parce que dans ce mode là, leur envie et leur folie donnent juste envie de les entendre encore, et encore.
Au Darius Milhaud jusqu’au 6 janvier 2018 le samedi à 19h15, et autres dates jusqu’à fin février
Un spectacle éligible aux P’tits Molières 2018