Clérambard – Théâtre 13

Clérambard, le nom résonne comme celui d’un hobereau de province, un hobereau sectaire qui va entrainer son monde dans la pauvreté mystique sans lui en laisser le choix. Le Grenier de Babouchka donne au Théâtre 13 (jardin) une version caustique de la pièce de Marcel Aymé, à recommander.

clerambard

Clérambard – pardon, le Comte de Clérambard – est un hobereau de province, il croit régner encore sur la bonne société du canton, il ne règne que sur sa famille et les lambeaux d’une richesse évanouie. Il tient à bout de bras la demeure familiale, dans la famille depuis 400 ans. Il tyrannise les siens, tous vivent d’expédients, se nourrissent d’animaux errants et de fruits tombés des arbres. Un tyran… à la limite du sadisme. Il va (croire) rencontrer Saint François d’Assise, changer de direction mais pas de caractère, et imposer sa vision de la sainteté à tout son entourage.

Son entourage, c’est sa femme, qui a reçu en partage l’importance de maintenir l’image, le nom, le domaine. Sa belle mère, une drôle de douairière,  pleine de bon sens acariâtre. Son fils, un peu fin de race, frustré et obsédé. Le curé entremetteur dont on se demande à quoi il croit vraiment. La bourgeoisie commerçante du canton, pour qui l’étape d’après est l’acquisition d’un nouveau statut, l’alliance à tout prix qui apportera un nom.

Tous les personnages, au fond, sont sincères dans leur folie, dans leur vision du monde, aucun n’est ce qu’il voudrait être, ce qu’il croit être. Le noble désargenté voudrait retrouver les allures d’antan, mais les a-t-il connues; le commerçant voudrait un nom pour sa descendance; le jeune adulte voudrait échapper à la tutelle de ses parents; le curé a des préoccupations bien matérielles;

Et puis il y a la Langouste, la fille de joie. Elle est centrée, elle sait ce qu’elle est, qu’elle ne changera pas, elle est la seule à assumer. Elle est rafraichissante.

Le texte de Marcel Aymé est une satire des années d’avant guerre, je pourrais citer vingt cousins qui sont un rameau issu d’une noblesse désargentée et d’une prospérité (à l’époque) récente. Le temps a passé, la satire est devenue caustique, le ton est toujours là. On rit, bien sûr, souvent, plus ou moins jaune, l’humour est un peu moins noir qu’il ne l’était en 1950, il n’est jamais gratuit.

La scénographie est épurée, la pièce doit pouvoir facilement voyager, se donner dans des environnements très variés. La mise en scène est claire, elle réussit à donner à chaque personnage un côté excessif sans jamais tomber dans l’excès d’en faire trop. Les comédiens jouent juste, leur diction est parfaite, c’est vrai pour tous, j’ai apprécié le travail de troupe. Le rythme rapide donne une teinture de vaudeville que j’ai apprécié, elle contribue à rendre la pièce actuelle. La morale est présente, elle n’est pas pontifiante.

Une bonne soirée, donc, avec une troupe qui fait un vrai beau travail, je les avais déjà croisés dans l’Avare, j’ai plaisir à revoir certains d’entre eux. Baroudeur était là, qui s’est calé dans son fauteuil, a savouré la pièce, passant à côté de la satire sociale, se laissant emporter dans la drôlerie, s’inquiétant du mysticisme de la fin, s’interrogeant sur la folie de Clérambard. C’est vrai, il a raison, Clérambard est enfermé dans une folie presque sectaire, le suivre ne se discute pas, il ne cherche pas à convaincre, il impose. Sa folie est en lui, on l’aura vue basculer sous nos yeux.

Une belle salle pour un mardi soir, conquise.

Au Théâtre 13 du mardi au samedi à20h00, le dimanche à 16h00.

 

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