Certaines pièces (La Femme du Boulanger par exemple) valent le coup pour leur scène finale, et c’est le cas de Deux âmes en noir sur un toit blanc, que donne la troupe Les Serges à La Folie Théâtre, qui vous amène petit à petit à un moment d’émotion vraie que le public a pris le temps d’avaler à coup de longs applaudissements.
La pièce de Claire Giuseppi se passe sur un toit, qu’un peintre est en train de repeindre, et sur lequel vont arriver une SDF, d’abord, un PDG, ensuite, en mal de vivre, et dont on va petit à petit découvrir comment les vies se sont entremêlées. Le thème, lourd et bourré de pathos au premier abord, est traité comme une comédie.
L’entrée en matière se fait au son de Tombé du ciel par Jacques Higelin, ça m’a mis de bonne humeur, j’en ai faussement déduit qu’on m’annonçait la fin (« tomber sur toi, tomber en pamoison, avaler la ciguë, gouter le poison qui tue, l’amour, l’amour encore et toujours »).
De la suite, j’ai un sentiment plus mitigé. J’ai trouvé, en synthèse, que tout ça manquait beaucoup de maturité. Maturité dans le jeu des acteurs qui font trop d’erreurs de textes et les rattrapent maladroitement. Maturité dans la distribution des personnages (il parait que parfois Emmanuel Pion et Pierre-Yves Redouté échangent leurs rôles, je suis curieux de voir cette version). Maturité dans la crédibilité des personnages, le seul auquel j’ai cru est celui de la SDF.
Le sujet est traité en comédie, je vais mettre sur le compte de ce parti pris le traitement dont est victime le PDG, avec lequel il m’a été impossible d’entre en empathie tellement il sonne faux, par son costume (on dirait un stagiaire de BTS, pas le PDG d’une boite dont le siège occupe un immeuble de 12 étages), sa seule activité (licencier des gens), son irresponsabilité (il en fait qu’entériner), son esprit étriqué (quand dit-il du bien de son environnement ?), ou sa grande frustration (que Petit Castor n’ait pas eu le succès escompté). Un peu plus de maturité, beaucoup moins de manichéisme…
Bref les perles s’enfilaient gentiment, Baroudeur s’énervait.
Et puis la scène finale est arrivée, avec son zeste de naïveté rafraichissante, et elle m’a fait du bien. Là, j’ai pardonné tout le reste, et je suis sorti de bonne humeur, parce que, au fond, je suis en ligne avec cette conclusion.
Je vais suivre ce que fait Claire Giuseppi, je suis sûr que sa prochaine pièce, ou la suivante, quand elle aura gagné en maturité, quand ses personnages auront pris de l’ampleur, vaudra vraiment le coup.