Elles ont commencé à parler dès les saluts, on aurait dit deux Vamps, flétries devant leur télévision. Elles ont continué, pendant toute la pièce, j’étais 4 rangs derrière elles, je les entendais commenter pour le plus grand bénéfice des acteurs et des spectateurs ce qui se passait sur scène, se demander si le contenu de la bouteille de whisky est de l’alcool ou du jus de pomme, apprécier telle réplique, rire de telle situation, applaudir tel moment.
Deux Vamps, sourdes et desséchées devant leur télévision, commentant en s’esclaffant la rediffusion matinale d’une pièce de boulevard vue et revue, alliant la créativité de Poiret à la gouaille de Maillan, connue par cœur, et commentée dans l’intimité de leur salon, je l’imagine couvert de ces petits ouvrages au crochet…
La salle était pleine, désarçonnée devant ce comportement. L’une bougeait pour essayer d’entendre, l’autre regardait son compagnon d’un air furieux et assassin.
Et directement sous le feu des commentaires, Sonia Ouldammar, Lajos Kulcsar, Mahmoud Ktari et X ont tenu bon, je les en admire. Que restait-il de la mise en scène de Patrick Rouzaud, il faudrait que je retourne voir la pièce pour le savoir. Il a poussé la logique de la pièce à rebours jusqu’au bout, laissant le spectateur sur une frustration à la sortie de la salle, frustration amplifiée par la volonté de fuir enfin… vous savez, comme quand, en descendant du taxi, on échappe enfin aux blagues éculées qu’on entend sur RTL en fin d’après midi.
Avec une nuit de recul, le résultat est étrange. Un Jerry désabusé à la fureur rentrée, une Emma déstabilisée, un Robert machiavélique aux yeux brillant de colère, ce n’est pas le Trahisons qu’on peut voir d’habitude. Le hasard a donné des moments intéressants, des moments que je vais garder pour moi, parce que je vous souhaite, je leur souhaite, de ne pas les vivre à nouveau. Mais est-ce vraiment du hasard ?
Une réflexion sur “Trahisons – La Croisée des Chemins”