En une phrase : une version acidulée et transgressive de la pièce de Marivaux, exactement comme je les aime.
On ne refait pas Marivaux, une transgression vue avec bienveillance bouleverse le monde, et à la fin tout revient en place. On ne le refait pas, mais on le transpose, et quand, comme le fait Ewa Rucinska dans la version que j’ai vue hier soir à La Folie Théâtre, je trouve ça magique.
Le jeu de l’amour et du hasard, Silvia doit épouser Dorante, et pour le mieux jauger, se fait passer pour sa suivante, pendant que Dorante, pour les mêmes raisons, se fait passer pour son serviteur, deux couples vont se former, chacun étant écartelé entre l’attrait de l’autre et la peur de ce qui se passera quand cet autre découvrira son état réel.
La mise en scène d’Ewa Rucinska et les costumes d’Ela Tolak, m’ont emmené dans un monde coloré et acidulé, ailleurs et intemporel. Un monde poétique, aussi, quand les oiseaux roucoulent, quand les lumières dansent dans l’obscurité. J’y ai trouvé des échos de Tim Burton dans le couple Silvia Dorante, mâtiné d’un zeste de Rowan Atkinson dans le couple Lisette Arlequin pour détendre l’atmosphère.
La tension de la relation entre Dorante et Silvia est poussée à son paroxysme, je ressentais la pression physique irrésistible qui emplissait les deux personnages, et les liait peu à peu, on n’est pas dans le registre la séduction policée du texte déclamé, on est dans le registre de la passion animale qui griffe, crache et dévore. Ca reste Marivaux, la passion animale dévore, mais à la fin elle ne brûlera pas, chacun retrouve sa place.
Tiphaine Sivade était solaire, elle a donné une Silvia féline aux airs de fausse ingénue au fond pas sage du tout, Victor Bouis subissant son charme et ses manipulations avec pudeur et panache.
Dans les seconds rôles, j’ai particulièrement apprécié Anthony Fernandez, Mario lunaire et mystifiant, si vous allez voir la pièce à La Folie Théâtre, tournez parfois la tête vers le fond de la salle, il est peut-être là.
Le public était conquis, il aurait volontiers donné un ou deux rappels de plus.
PS : la pièce est éligible aux P’tits Molières
Une réflexion sur “Le Jeu de l’Amour et du Hasard – La Folie Théâtre”