Une très bonne surprise, Moulins à Paroles au Ciné XIII, projet porté par Roxane Turmel et sa compagnie Babebibobu.
On suit, avec l’œil attentif d’un entomologiste caustique, le parcours de trois femmes enfermées dans les ravages d’un destin implacable.
Il y a Leslie, jeune actrice professionnelle, qui se laisse emmener pas à pas vers les bas fonds du cinéma trash. Il y a Rosemary, qui n’a véritablement d’autre intérêt que ses fleurs, et sa voisine Jeanne, qui a tué son mari (et continue à jardiner en prison) qui la faisait souffrir avec la complicité de celui de Rosemary. Il y a Suzanne, enfin, femme de vicaire, qui trouvera le salut dans la bouteille et les bras initiatiques d’un épicier indien. Trois destins désespérants, pour notre rire jaune, la larme au coin de l’oeil. Trois destins prenants, désespérants, glaçants. Trois destins de femmes touchantes de naïveté et d’impréparation à la vie, considérées et traitées comme des objets par les hommes qui les entourent.
C’est l’adaptation de trois des Talking Heads d’Alan Benett (il y en a dix autres !), monologues donnés pour la BBC en 1993.
Une pièce de théâtre avec un seul acteur, trois personnages, mais pas un seul en scène. Le texte est beau, le jeu de Roxane Turmel est juste. Il y a un vrai travail de mise en scène de Diane de la Croix, un beau travail de direction d’acteur, et ça se voit, ça se sent.
Avec une mention spéciale pour les transformations de Roxane Turmel entre chaque monologue, elle se transforme physiquement, elle change de personnage de façon impressionnante. Elle le fait en ombre chinoise, derrière un rideau, le spectateur l’accompagne, ça crée un sas bienvenu entre chaque destin, sans que l’attention ne retombe.
J’ai retrouvé (je suis le seul) dans ces trois femmes l’écho des personnages de Huis Clos.
Un seul regret, en fait, qu’il n’y ait pas eu un quatrième monologue.
Un grand BRAVO à toute l’équipe.