
Ave César au Théâtre Rive Gauche : sous les rires, une belle réflexion psychologique, vingt cinq ans de mariage, comment en sortir quand la routine s’est incrustée. Un joli moment de théâtre, servi par Frédéric Bouraly et Christelle Reboul.
Devant le rideau, un tabouret, une table basse, un fauteuil rouge en forme de cœur. Le coin salon d’une chambre d’hôtel, dont on découvre le lit rond, miroir au plafond, qui justifie son nom, le Hot’l. Didier masse avec vigueur les fesses de Corinne. Didier, Didier, j’ai les fesses assez décontractées, ça va…
Corinne, Didier. vingt cinq ans de mariage, trois enfants. Une vie ancrée dans la routine, sans vraiment de contacts ni d’échanges. Une vie moyenne, que Didier trouve confortable. Une vie médiocre, dont Corinne veut sortir. Alors elle a réservé un week end dans cette chambre kitsch et hors de prix. Pleins de bonne volonté, ils essayent les recettes du manuel 69 jeux coquins. Ils râlent, pestent. Ils parlent de divorce. Ils parlent enfin de ce qui ne va pas. Elle n’a plus le corps qu’elle avait il y a vingt cinq ans, il fonctionne encore comme il fonctionnait il y a vingt cinq ans.
Il y a deux parties dans la pièce. Les premières minutes, où Frédéric Bouraly et Christelle Reboul font les clowns et cherchent le gros rire, et la suite, qui se révèle avoir une profondeur psychologique habituellement absente dans les pièces de boulevard.
Ici, point d’amant dans le placard, pas de maîtresse plus jeune de vingt ans, pas de découverte d’une nouvelle sexualité. Il y a juste un homme et une femme. L’une a changé, l’autre est resté lui même. Tous les deux souffrent du regard des autres. A la salle de gym, sur le tapis de course. Au bureau, quand la place d’associé va à celui, tout juste arrivé, qui a des idées novatrices. Chacun d’eux cherche le regard de l’autre. Ils finiront par le trouver. En se parlant bien sûr, en s’écoutant surtout. En écoutant ce que veut dire l’autre. Ce n’est pas de la grande psychologie ? le conseil est bon, et mérite d’être rappelé.
Frédéric Bouraly et Christelle Reboul servent avec talent les deux niveaux de lecture de la pièce. Quand il faut pousser un peu le curseur pour faire rire d’une posture, d’une engueulade, ils font le job. Pour le reste, l’essentiel, ils sont touchants, émouvants, naturels, dans une mise en scène d’Éric Laugerias qui s’appuie sur leur expérience.
Au milieu des seul-en-scène qui envoient un pathos inutile sur le thème Moi, ma cinquantaine, comment je n’ai pas trouvé de solution, mon expérience peut vous intéresser, ils envoient du rire et une leçon de vie avec leur Nous, notre cinquantaine, comment on a trouvé une solution, moquez-vous, laissez décanter. C’est appréciable, plus efficace pour le moral que ces manuels de psychologie appliquée qu’on lit en voyage.
La salle était enthousiaste, je suis sorti plein d’énergie positive, d’excellente humeur.
PS : je ne résiste pas à partager avec vous cet article trouvé dans Improbable Resarch, la revue de sujets de recherche qui font d’abord rire puis réfléchir, comment prédire quand les couples vont se chamailler grâce à leurs smartphones. Puisse un jour Michele Riml s’en inspirer pour une V3.0 d’Ave César.
Au Théâtre Rive Gauche jusqu’au 28/05/23
Du mercredi au samedi : 21h00 – dimanche : 15h00
Durée : 1h30
Texte : Michele Riml – adaptation Eric Laugerias et Raphaël Pottier – traduction Alexia Perimony
Avec : Frédéric Bouraly, Christelle Reboul
Mise en scène : Éric Laugerias
Une réflexion sur “Ave César – Théâtre Rive Gauche – sous les rires, une jolie réflexion psychologique pour une pièce plus profonde qu’il n’y parait”