
Les parents terribles de Jean Cocteau au Théâtre Hébertot : une situation de vaudeville, une ambiance de film noir, l’énergie d’un riff de guitare électrique. Une belle mise en scène de Christophe Perton, servie par Maria de Medeiros, Charles Berling et Muriel Mayette-Holtz en grande forme
Sur la scène, la chambre d’un appartement parisien, dans les années 30, sous une lumière blanche, la lune. Yvonne entre, s’assied sur le lit, et puis se couche, sans trouver le sommeil. Elle se relève, allume une cigarette. Va dans la salle de bain, s’injecte quelque chose dans le bras, s’effondre. Léo, Léo, vite, Léo, vite…
Dans cet appartement en désordre vivent Yvonne; Georges, son mari; Michel, son fils; Léonie, sa sœur. Sans l’héritage d’un oncle touché par Léonie, ils seraient à la rue. La nuit dernière, Michel, le fils sur-aimé par sa mère, n’est pas rentré. Il est amoureux d’une Madeleine, qu’il veut épouser, au grand dam de sa mère. Les choses vont se compliquer quand Georges va avouer qu’il est le vieil amant avec lequel Madeleine doit rompre.
Jean Cocteau a tiré le fil de cette situation intemporelle, qui pourrait se cantonner au registre du vaudeville, pour en faire un thriller psychologique qui n’est pas dénué d’humour. Au fil des trois actes, il dissèque les relations qui existent entre ses personnages. Il y a Yvonne, Michel, Georges, Madeleine, dont aucun n’est vraiment adulte.
Au départ, deux couples, qui tous les deux mettent mal à l’aise. Yvonne et Michel, la mère et le fils, une relation quasi incestueuse, le retour à la tragédie grecque. Georges et Madeleine, le bourgeois raté et l’artisane méritante, le texte est écrit en 1938, le monde de la rente vit ses derniers lambeaux, deux univers se croisent. Au centre de cette toile, Léonie, araignée manipulatrice. Quand Michel et Madeleine pourront vivre leur amour, Léonie pourra savourer sa proie.
On se laisse facilement charmer par les phrases que les personnages prononcent, leur syntaxe un peu surannée, pas encore désuète. Dans cette ambiance de film noir à la Howard Hawks, la mise en scène de Christophe Perton apporte l’énergie d’Apocalypse Now. J’ai savouré le jeu de Maria de Medeiros, maîtresse du destin, troublante araignée grise, aussi impressionnante quand la lumière est sur elle que quand elle est dans l’ombre. Face à elle, Charles Berling se laisse manipuler, maîtrisant sa retenue, ses attentes et son regard perdu. Quant à Muriel Mayette-Holtz, exubérante castratrice, elle se laisse emporter par son destin.
Dans la distribution initiale de 1938, Jean Marais était Michel, Jean Cocteau avait écrit le rôle pour lui. Je suis sorti en comprenant qu’il ait en 1977 repris le rôle de Georges, l’homme mûr dont les mondes sociaux et amoureux s’effondrent a tellement plus de profondeur que le vainqueur insouciant et virevoltant.
On se souviendra en sortant que quand les mondes s’effondrent trop brutalement, le retour du balancier de la morale n’est pas loin, et qu’il est violent. On regardera les trottoirs, on remettra la pièce dans son contexte historique, on se prendra à espérer que les mêmes causes…
Au Théâtre Hébertot jusqu’au 30/04/23
Du mercredi au samedi : 20h30; samedi : 15h00; dimanche : 15h30
Durée : 1h55
Texte : Jean Cocteau
Avec : Muriel Mayette-Holtz, Charles Berling, Maria de Medeiros, Émile Berling, Lola Créton
Mise en scène : Christophe Perton
Visuel :
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