
Wonder Woman enterre son papa au Théâtre de Belleville : une vision acidulée de l’univers des EHPAD, un hommage à ceux qui accompagnent la fin de vie de nos aînés. Un spectacle touchant et sensible, qui permet, pour une fois, de sortir d’un EHPAD avec le sourire.
Sur la scène, une table blanche, des tabourets, un pied de micro couvert de paillettes. Dans un coin, une table de toilette, un grand TV blanc. Deux panneaux lumineux flottent, l’un porte le numéro 211, l’autre le mot EHPAD. La salle est encore éclairée, Sophie Cusset vient sur scène… Bonjour … on est très contents de vous voir. Ce spectacle est un hommage tragi-comique à nos chers disparus…
Sophie Cusset parle de ses parents, grands parents, d’Yvette Petit avec qui elle a mis en place le spectacle. Au fond de la scène, une dame, perdue, échevelée, un immense bavoir autour du cou. Delphine, retourne en coulisse… Cette introduction se termine sur l’évocation du dernier mois et demi de son père, quand il n’ouvrait plus les yeux, ne s’alimentait plus. Sur le sourire qu’il a fait quand sa fille lui a dit qu’il avait été un bon père, qu’il pouvait partir.
Ce qui aurait pu sombrer dans le pathos bascule dans une évocation caustique du fonctionnement des EHPAD, évoquée comme un dessin à la ligne claire et aux couleurs acidulées. Au fil des saynètes, le spectateur assiste à une réunion de management où la chèvre et le chou seront ménagés, au goûter des résidents auquel plusieurs Flamby ne survivront pas. Car oui, on parle de résident, pas de pensionnaire, chaque univers a ses sigles et son jargon. Les gestes barrières sont bien respectés, qui donnent lieu à une chorégraphie bien réglée, et la fête de Noël aura bien lieu, sans faire appel à l’accordéoniste aveugle mais gratuit habituel. Quasiment au jour et à l’heure habituelle, pour laisser aux familles la possibilité de venir, la peinture est parfois cruelle, entre le travail à la chaîne des soignants et leur dévouement quand il faut laisser parler leur passion, ou passer le relais aux pompes funèbres.
Sophie Cusset rend hommage à son père, elle se projette dans un futur qu’on lui souhaite lointain, elle s’y imagine accompagnée de Delphine Raoult, souriante et bougonne, distraite par Robin Causse, aussi débridé en animateur que concentré en aide soignant, et d’Audrey Bertrand, stagiaire à tout faire.
Un spectacle touchant, qui se termine avec nostalgie mais sans tristesse, qui permet, pour une fois, de sortir d’un Ehpad avec le sourire.
Au théâtre de Belleville jusqu’au 29/03/22
Jours – heures
Texte : Sophie Cusset
Avec : Audrey Bertrand, Sophie Cusset, Robin Causse, Delphine Raoult
Mise en scène : Sophie Cusset
Visuel : Mattéa Manicacci