Le Moche

Le Moche au Théâtre de Belleville : un texte noir, une mise en scène minimaliste, quatre acteurs convaincants entraînent le spectateur dans la spirale d’un rire grinçant et diabolique, où tous les tabous finissent par sauter

Sur la scène, une simple table, quatre chaises. Un espace délimité. Des pommes, un bouquet de fleurs séchées. Les acteurs déambulent sur Pink Floyd. L’hotel Excelsior est le meilleur de la ville.

Karlmann est l’assistant de Lette, l’inventeur du connecteur 2CK. C’est pourtant Karlmann qui va aller présenter l’invention au Congrès. Pourquoi ? Parce que Lette est moche, il ne le savait pas, même sa très belle femme le lui confirme. Lette va se faire opérer. Sans les défauts qui faisaient sa personnalité, avec un nouveau visage, il trouve l’argent et le succès. Jusqu’à ce que son chirurgien donne ce visage à un autre, à d’autres.

Sur le texte noir de Marius Von Mayenburg, Camille Jouannest signe une mise en scène minimaliste qui entraîne le rire du spectateur dans une spirale grinçante, diabolique. Une spirale qui conduit à un univers dans lequel les individus perdent leur identité, sont parfaitement substituable. Dans ce monde, les règles et les tabous sautent, seuls comptent la maximisation du profit ou du plaisir.

La distribution est homogène et convaincante. Hubert Girard est Lette, un Lette dont on rit tout au long de la pièce, de ces rires dont on commence par avoir un peu honte et qui finissent franchement. Autour de lui, Jean-Frédéric Lemoues, Axelle Lerouge et Laurine Villalonga jouent chacun plusieurs personnages, sans jamais quitter la scène, sans jamais perdre le spectateur.

La salle, séduite, a longuement applaudi la troupe à l’issue de la pièce. Je suis sorti sur la dynamique d’une pièce amusante où j’avais ri franchement. Un rire auquel a succédé une interrogation : le monde que Marius Von Mayenburg décrit, ce monde sans tabous, où les individus sont substituables, est-il très différent de celui qui existait au début de la vie, quand les premières cellules sont apparues ? De celui où les crushs se succèdent sur les apps ?

Au Théâtre de Belleville jusqu’au 30/12/21
Du mercredi au samedi : 21h15

Texte : Marius Von Mayenburg
Avec : Jean-Frédéric Lemoues, Hubert Girard, Axelle Lerouge, Laurine Villalonga
Mise en scène : Camille Jouannest

Visuel : Jean-Michel Turpin

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.