
Tabou au Théâtre de Nesle : une mise en scène imaginative, pour le plaisir d’entendre interprétés les chansons et les textes de Boris Vian, de retrouver l’époque où la pensée était foisonnante et la parole libre
Sur la scène, un piano, une table de bistrot, une atmosphère enfumée… quand le public entre dans la salle, Boris Vian et ses complices sont en train d’écrire On n’est pas là pour se faire engueuler, le texte vient d’abord, suivi par la musique, un air un peu militaire. Du fond de la salle, Mesdames, messieurs, bonsoir, eh bien ce soir, c’est moi qui serait votre guide…
Une guide aux faux airs d’Anne Sinclair emmène le public de 2021 visiter le Saint Germain des Près des années 50, plus particulièrement ses caves, celle du Tabou, où on croise les grands noms de l’existentialisme, Boris Vian est là, avec ses complices, les bons mots fusent, on parle de Sartre, de Jarry, du collège de Pataphysique, on s’amuse, on provoque, on chante, on danse… jusqu’à une sirène d’alerte, tous tombent morts. Nous voilà projetés en 2050, deux archéologues explorent la cave, découvrent le corps de Boris Vian, qui retrouve la vie et sa verve, jusqu’à s’évader, pour un troisième tableau, vers un univers utopique, une île où la liberté et le bonheur sont la norme.
J’ai trouvé le propos parfois alambiqué, et je ne suis pas fan du début un peu grand guignol du deuxième tableau. Mais tout ça reste prétexte à entendre Boris Vian, ses textes, ses chansons, ses aphorismes, le spectacle prend des airs de comédie musicale, j’ai savouré.
Loïc Thevenot donne un Boris Vian très convaincant, les interprétations et les chorégraphies sont pleines d’imagination, bien réglées, je me suis régalé à écouter, revoir, découvrir. Remettre en perspective, également, cette époque où régnait la soif de vivre, le monde vivait, dans l’angoisse de la troisième guerre mondiale, nucléaire et totale, qui pouvait se déclencher à tout moment, où la pensée était foisonnante, où la parole était libre.
Quel est cet univers où la liberté et le bonheur sont la règle, où est ce paradis ? La simple idée qu’il existe met de bonne humeur, est une bonne raison pour aller voir Tabou.
Au Théâtre de Nesle jusqu’au 28 novembre 2021
Vendredi : 21h00 – Samedi-Dimanche : 17h00
Texte : Fabrice Eberhard d’après l’oeuvre de Boris Vian
Avec : Elsa Le Forestier, Marie-José Segarra, Loïc Thevenot, Fanny Toquero, Baptiste Cheron (musicien)
Mise en scène : Fabrice Eberhard