Napoléon – La nuit de Fontainebleau

Philippe Bulinge prend prétexte d’une tentative de suicide de Napoléon pour nous faire vivre le combat entre l’homme et son image, entre l’action animale et la réflexion froide. A découvrir en Juillet à La Folie Théâtre, pour le texte ciselé, pour le jeu de Damien Gouy.

Sur la scène, dans la pénombre, un lit, une table basse, un fauteuil. Un homme assis, par terre, au dos du lit. Tais-toi, Napoléon, tais-toi… je n’ai plus la force, je ne suis plus qu’une ombre. Nous sommes le 12 avril 1814, dans une semaine Napoléon fera ses adieux à la vieille garde, pour partir vers l’île d’Elbe. Cette nuit, Napoléon vient de tenter de mettre fin à ses jours, en usant d’un poison ancien, se brûler la cervelle était plus efficace, mais personne ne se recueille devant un corps à la tête déchiquetée.

Auprès de lui, Caulaincourt, le général fidèle qui l’a accompagné partout, qui vient de négocier les conditions de l’abdication. Napoléon a encore des choses à dire, des lettres à confier, des confidences à transmettre à Marie-Louise, à Joséphine. Si Napoléon veut écrire la dernière page de sa légende, est-ce l’homme, ou est-ce l’empereur qui veut mourir ? Est-il du devoir de Caulaincourt de laisser l’empereur disparaitre, ou doit-il sauver l’homme ?

Si l’épisode est réel, nul ne sait ce qui c’est réellement passé cette nuit là. La grande qualité du texte de Philippe Bulinge est de maintenir l’ambiguïté jusqu’à la fin. Il y l’homme, et on sait que Napoléon était profondément humain, qu’il veillait à ce qu’à la fin des batailles, les blessés des deux camps soient soignés de la même façon. Il y a l’empereur, qui nous a laissé une organisation de l’état, un code civil, qui a été plus victime de l’argent anglais que de son orgueil. Il y a la légende, au fond de son délire, il revit l’épisode à travers les tableaux qui en ont été faits, et non selon la réalité, moins glorieuse. L’homme est épuisé, à bout, il veut s’évader en laissant intacts son héritage et sa légende.

Sur ce texte travaillé et ciselé, dans une mise en scène quasi radiophonique, Damien Gouy est un Napoléon animal, un animal qui souffre dans son corps, dans son âme, un animal à la vie chevillée au corps. J’ai été convaincu, séduit, par son jeu particulier, il en cherche pas à imiter Napoléon, il donne son Napoléon, sans jamais céder à la facilité ou à la caricature.

Les deux séquences Napoléon – Caulaincourt sont hypnotisantes, j’en ai savouré chaque ligne du texte, apprécié la différence des jeux, l’un est un animal qui rugit, qui agit, l’autre est un cerveau froid, qui réfléchit, qui voit la conséquence derrière l’action. La pièce voit également intervenir le docteur Yvan, doublement responsable de la situation, c’est lui a avait préparé le poison en Russie. Une séquence intermédiaire qui permet de relacher la tension dramatique, de soulager la concentration du spectateur, que les jeunes spectateurs présents ont trouvée bienvenue.

Si la pièce s’inspire d’un épisode réel, sa grande qualité est de ne pas chercher à être une reconstitution, de prendre un parti pris, de se tenir jusqu’au bout à cette double opposition qui concerne chacun de nous, l’homme face à son image, l’action animale face à la réflexion. C’est ce que j’en retiens, c’est ce combat qui m’a embarqué, passionné, beaucoup plus que l’épisode historique dont on connait l’issue.

A La Folie Théâtre jusqu’au 31 juillet 2021
Mercredi et vendredi : 19h30 / jeudi et samedi : 21h00
Dates de tournée sur le site de la compagnie Intersignes

Texte : Philippe Bulinge
Avec : Damien Gouy, Loïc Risser, Vincent Arnaud
Mise en scène : Maude et Philippe Bulinge

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