Magistrale interprétation d’Hervé Falloux, Quelque Chose du Côté Gauche fait partager au spectateur les derniers instants d’Ivan Illitch, qui voit défiler sa vie superficielle pour finalement trouver la paix au dernier instant. Un seul en scène nécessaire et d’une actualité glaçante, à ne pas rater.

Sur la scène, un carré lumineux, blanc. Des meubles, un fauteuil, une table de travail, deux chaises, sous des draps blancs comme on en voit dans les vieux films, dans ces grandes maisons qu’on occupe pas. Les draps sont immaculés, repassés. Un homme est debout, pantalon, chemise, gilet, manteau long, cheveux, tout est blanc.
Cet homme, c’est Ivan Illitch, qui nous raconte sa vie de haut fonctionnaire dans la Russie impériale. La vie d’un homme superficiel, qui vit pour son image et son plaisir, entre sa femme, ses enfants, ses maîtresses, ses compagnons de beuverie, ses parties de whist. Il est intelligent, mène sa vie comme il joue au whist, selon son bon goût. Il gagne, pas trop, ça serait vulgaire, grimpe socialement de plus en plus haut, sans abuser d’un pouvoir de plus en plus grand. Jusqu’au jour où une espagnolette frappe son côté gauche.
La douleur reste, de médecin en médecin, sa vie bascule vers la fin, seul reste avec lui un jeune garçon. Ivan Illitch va revivre sa vie, prendre conscience de l’opinion que ses proches avaient de lui, comprendre qu’il la méritait. Désespérer. Retrouver une humanité, la paix. S’éteindre.
Il parait qu’avant de mourir on voit défiler sa vie en un instant. Une douleur du côté gauche est plutôt rassurante de ce point de vue, qui se termine dans un moment de sérénité, qui laisse à chacun le soin de s’interroger sur ce qui suit la mort.
Je me suis laissé embarquer par Hervé Falloux, qui habite la pièce autant qu’il l’interprète. Lui même a eu des problèmes de santé il y a trois ans, qui lui donnent la douceur, la force, de rentrer dans le rôle d’Ivan Illitch, de lui donner une vraie profondeur, une belle perspective. Sa finesse apporte de l’espoir au propos de Tolstoï, sur le chemin de la mort on ne trouve pas forcément la vie, on trouve la paix, la sérénité. La vérité, la grâce. Passé la colère et le ressentiment, il reste la distance, le rire.
C’est une pièce sur la mort, la nuit passée dessus, il m’en reste une pièce sur le sens de la vie, une invitation à délaisser le superficiel pour l’essentiel, le paraître pour l’être, la seule chose qu’on laisse vraiment, c’est un souvenir dans l’esprit de ses proches, une vérité qu’on peut travailler, ou pas.
Dans le monde actuel où la forme l’emporte sur le sens, où l’image l’emporte sur les mots, où on peut dire les plus grosses énormités sans laisser d’autre trace que sa notoriété, Quelque Chose du Côté Gauche est une pièce nécessaire, parce que d’une actualité glaçante.
Un très beau texte, magistralement défendu par un acteur habité, un grand seul en scène, à découvrir au Théâtre de la Huchette avant l’été, à voir au Studio Hébertot cet automne.
Au Théâtre de la Huchette
Lundi 7 – 14 – 21 – 28 juin 2021 : 19h30
Au Studio Hébertot
du 28 octobre au 27 novembre 2021
D’après La Mort d’Ivan Illitch de Léon Tolstoï
Adapté et interprété par : Hervé Falloux
Mise en scène : Séverine Vincent
Une réflexion sur “Quelque chose au côté gauche”